Recouvrement de créance (OHADA) : Tout comprendre sur la Saisie Conservatoire - Ivoire-Juriste
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Recouvrement de créance (OHADA) : Tout comprendre sur la Saisie Conservatoire
Recouvrement de créance (OHADA)  Tout comprendre sur la Saisie Conservatoire

Votre débiteur vend ses camions et vide ses comptes ? N'attendez pas la fin du procès pour agir ! Découvrez comment geler ses avoirs immédiatement avec la saisie conservatoire.

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Dans le cadre du recouvrement de créances dans l'espace OHADA, la rapidité est souvent la clé du succès. Avant même d'obtenir une condamnation définitive de votre débiteur, il est crucial de sécuriser vos avoirs. C'est l'objet de la saisie conservatoire.

Ce billet a pour but de définir le contexte et le cadre juridique de cette mesure, illustré par des exemples concrets.

1. Qu'est-ce qu'une saisie conservatoire ?

La saisie conservatoire est une mesure de sauvegarde. Contrairement aux saisies-ventes ou saisies-attributions qui visent à vendre les biens ou à récupérer immédiatement l'argent, la saisie conservatoire a pour unique but de rendre les biens du débiteur indisponibles.

Elle agit comme un "gel" des avoirs. Elle empêche le débiteur d'organiser son insolvabilité (c'est-à-dire de faire disparaître ses biens pour ne pas payer), ce qui constitue d'ailleurs une infraction pénale dans la plupart des États membres.

La saisie peut porter sur :

- Les biens meubles corporels : Stocks de marchandises, véhicules, équipements, bétail.

- Les créances (biens incorporels) : Sommes d'argent sur un compte bancaire, loyers dus au débiteur, factures impayées par ses clients.

2. Le contexte : Quand peut-on pratiquer une saisie conservatoire ?


L'Acte Uniforme prévoit deux cas de figure distincts pour initier une saisie conservatoire.

Cas A : La saisie avec autorisation judiciaire (Le principe)

Si vous ne disposez pas encore d'un titre exécutoire, vous pouvez demander l'autorisation de saisir au Président de la juridiction compétente. Pour obtenir cette ordonnance, vous devez prouver deux éléments cumulatifs :

1. Une créance paraissant fondée en son principe.

2. Des circonstances de nature à en menacer le recouvrement (péril en la demeure).

Cas Pratique n°1 : Le fournisseur inquiet

Situation : La société "Bénin Matériaux" a livré du ciment à l'entreprise "Construction Pro" pour 10 millions de FCFA. La facture est impayée. "Bénin Matériaux" apprend que "Construction Pro" est en train de vendre ses camions en urgence et vide ses entrepôts.

Problème : "Bénin Matériaux" n'a pas encore de jugement condamnant son client.

Solution : L'avocat de "Bénin Matériaux" dépose une requête au Président du Tribunal. Il prouve la créance (bon de livraison signé) et le péril (la vente précipitée des camions). Le juge rend une ordonnance autorisant la saisie conservatoire des comptes bancaires de "Construction Pro" pour sécuriser les 10 millions.

Cas B : La saisie sans autorisation judiciaire (L'exception)

L'autorisation du juge n'est pas nécessaire si vous vous trouvez dans l'une des situations suivantes prévues par l'article 55 de l'Acte Uniforme ,:

- Vous possédez déjà un titre exécutoire.

- Vous détenez un chèque impayé (défaut de provision).

- Vous détenez une lettre de change acceptée ou un billet à ordre impayé.

- Vous êtes bailleur et réclamez des loyers impayés (avec un contrat de bail écrit).

Cas Pratique n°2 : Le chèque sans provision

Situation : Monsieur Kouamé détient un chèque de 2 millions de FCFA remis par un partenaire commercial. La banque rejette le chèque pour "défaut de provision".

Action : Monsieur Kouamé n'a pas besoin de demander la permission au juge. Le chèque impayé suffit. Il peut mandater immédiatement un huissier de justice pour pratiquer une saisie conservatoire sur les biens meubles (ordinateurs, stock) de son débiteur.


Cas Pratique n°3 : Le bailleur et les loyers

Situation : Une SCI loue des bureaux à une société. Le contrat de bail est écrit. La société ne paie plus depuis 3 mois.

Action : La SCI doit d'abord signifier un commandement de payer. Si le locataire ne paie pas après ce commandement, la SCI peut saisir les meubles garnissant les lieux loués à titre conservatoire, sans avoir besoin d'une ordonnance du juge, en vertu de l'article 55.

3. Le lien avec l'Injonction de Payer et la "Conversion"

La saisie conservatoire est une mesure temporaire. Si elle a été pratiquée sans titre exécutoire (comme dans le Cas Pratique n°1), elle doit obligatoirement être suivie d'une procédure pour obtenir ce titre.

Le créancier a l'obligation, dans un délai d'un mois après la saisie, d'introduire une procédure pour obtenir un titre exécutoire (par exemple via une requête en injonction de payer ou une assignation au fond).

Cas Pratique n°4 : Le piège du délai (Caducité)

Situation : Reprenons le cas de "Bénin Matériaux" (Cas n°1). Ils ont réussi à saisir le compte bancaire de "Construction Pro". Rassurés, ils laissent traîner le dossier pendant 2 mois en espérant que le débiteur paiera. * Conséquence : "Bénin Matériaux" n'a pas introduit de procédure au fond dans le délai d'un mois prévu par l'article 61. La saisie devient caduque (elle est annulée). Le débiteur récupère la libre disposition de son compte bancaire, et le créancier a perdu son avantage.

Une fois que le créancier obtient son titre exécutoire définitif, il pourra signifier un acte de conversion. C'est cet acte qui transforme la saisie conservatoire (blocage) en saisie-vente (pour les meubles) ou en saisie-attribution (pour l'argent), permettant enfin le transfert des fonds au créancier.

Conclusion

La saisie conservatoire est l'arme de la prudence et de la surprise. Elle permet d'agir vite (parfois sans juge) pour éviter que le patrimoine du débiteur ne se vide. Cependant, comme le montre le Cas Pratique n°4, elle impose une rigueur procédurale stricte sous peine de nullité.

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