Réseaux Sociaux et Liberté de la Presse en Côte d'Ivoire : Outil d'Émancipation ou Vecteur de Désinformation ? - Ivoire-Juriste
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Réseaux Sociaux et Liberté de la Presse en Côte d'Ivoire : Outil d'Émancipation ou Vecteur de Désinformation ?

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Réseaux Sociaux et Liberté de la Presse en Côte d'Ivoire : Outil d'Émancipation ou Vecteur de Désinformation ?
Réseaux Sociaux et Liberté de la Presse en Côte d'Ivoire : Outil d'Émancipation ou Vecteur de Désinformation ?

Plus de 25 000 abonnés ? Attention, la HACA vous surveille. La loi ivoirienne a évolué pour encadrer les créateurs de contenu. On vous explique tout.

Influenceurs, Blogueurs en Côte d'Ivoire : Connaissez-vous vos droits et vos limites sur internet ?

En Côte d’Ivoire, les réseaux sociaux ont révolutionné la communication et l’accès à l’information. 

Ils permettent aujourd’hui à chacun de s’exprimer librement et favorisent le journalisme citoyen.

Cependant, cette liberté s’accompagne de dangers : fausses informations, discours de haine et attaques contre les journalistes professionnels. Face à ces dérives, un cadre juridique et réglementaire spécifique a été mis en place, cherchant un équilibre délicat entre liberté et responsabilité.

Une question essentielle se pose donc : comment utiliser les réseaux sociaux pour renforcer la liberté de la presse tout en combattant efficacement la désinformation ? 

Cet article explore les opportunités offertes par les réseaux sociaux et les menaces qu’ils représentent, avant de proposer des solutions concrètes pour un journalisme libre, responsable et protégé en Côte d’Ivoire.

I. Les Réseaux Sociaux : Un Levier d'Émancipation pour la Liberté de la Presse

Les réseaux sociaux contribuent à renforcer la liberté de la presse en Côte d’Ivoire, tant par la facilitation de l’accès à l’information que par l’émancipation des voix citoyennes, dans un cadre constitutionnel qui garantit ces droits fondamentaux.

A. Le Contournement des Censures et Restrictions Traditionnelles

Les réseaux sociaux offrent un espace d’expression où peuvent circuler des informations sensibles ou ignorées par les médias traditionnels. En Côte d’Ivoire, la Constitution garantit la liberté de pensée et d'expression à tous. Les plateformes numériques deviennent ainsi des relais essentiels pour les voix dissidentes, les mouvements citoyens et l’opposition, qui peuvent y partager leurs messages sans passer par le filtre des médias officiels.

B. L’Accès Rapide et le Partage de l'Information en Temps Réel

Un autre atout majeur des réseaux sociaux réside dans l'instantanéité de l’information. Lors d’événements majeurs, les utilisateurs publient en temps réel des contenus qui documentent l'actualité.
 
Ce phénomène favorise l’émergence du « journalisme citoyen », où chaque individu contribue à la collecte de l’information. Cette pratique s'inscrit dans le droit des citoyens à l'information et à l'accès aux documents publics, reconnu par l'Article 18 de la Constitution.

C. Le Renforcement de la Veille Citoyenne et de la Redevabilité

Les réseaux sociaux ont également renforcé la veille citoyenne, en permettant la surveillance des actions des gouvernants. La diffusion rapide de l’information et la possibilité d’interagir directement avec les acteurs politiques ou économiques accroissent la transparence et la redevabilité. Ils constituent des outils efficaces de mobilisation sociale pour des causes d’intérêt public, telles que la défense des droits humains, la lutte contre la corruption ou la promotion de la bonne gouvernance, des principes chers à la Constitution ivoirienne.

II. Les Réseaux Sociaux : Un Vecteur de Désinformation et de Menace pour le Journalisme

Si les réseaux sociaux sont des outils de liberté, ils sont aussi un terrain fertile pour la désinformation et les discours dangereux, que la législation ivoirienne cherche à encadrer.

A. La Prolifération des Fausses Nouvelles (Fake News)

L’un des principaux dangers est la propagation rapide des fausses nouvelles. En Côte d’Ivoire, la loi sur la presse (Loi 2017-867) sanctionne la publication ou la diffusion de nouvelles fausses par une amende de 1 000 000 à 5 000 000 de francs CFA. 

Toutefois, il est important de noter que l'Article 89 de cette même loi exclut la détention préventive et les peines d'emprisonnement pour les infractions commises par voie de presse, privilégiant ainsi les sanctions pécuniaires.

B. Les Discours de Haine et l'Incitation à la Violence

Les réseaux sociaux servent aussi de relais à des discours haineux. Le cadre juridique ivoirien est très clair sur ce point. L'Article 19 de la Constitution interdit toute propagande encourageant la haine raciale, tribale ou religieuse. 

De plus, la loi sur la presse punit la diffamation envers un groupe de personnes en raison de leur ethnie, race ou religion d'une amende de 2 000 000 à 5 000 000 de francs CFA. 

La loi sur la communication audiovisuelle (Loi 2017-868) limite également l'exercice de la communication si elle constitue une incitation à la haine, à la xénophobie et à la violence.

C. Le Discrédit du Journalisme Professionnel et les Atteintes à la Réputation

Dans un contexte de désinformation, il devient difficile pour les citoyens de distinguer les informations fiables, ce qui érode la confiance envers les médias. Pour protéger les acteurs médiatiques et les citoyens, la loi sanctionne la diffamation et l'injure par des amendes pouvant aller jusqu'à 10 000 000 de francs CFA. 

Par ailleurs, la loi définit précisément le statut de journaliste professionnel et protège le secret de leurs sources, renforçant ainsi la crédibilité et la protection de la profession.

III. Enjeux et Perspectives pour l'Avenir de la Liberté de la Presse

Face à ces défis, des solutions juridiques, réglementaires et éducatives sont nécessaires pour préserver un espace numérique libre et responsable.

A. Les Défis de la Régulation et de la Législation

La question de la régulation des réseaux sociaux est devenue incontournable. En Côte d’Ivoire, plusieurs entités interviennent :

La Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) : Son rôle a été étendu par la loi de 2022. Elle encadre désormais les blogueurs, activistes et influenceurs de plus de 25 000 abonnés et peut ordonner aux intermédiaires techniques de suspendre l'accès à des contenus illégaux, sous peine de sanctions pénales.

L'Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC (ARTCI) : En tant que régulateur du secteur des télécommunications, l'ARTCI joue un rôle complémentaire mais crucial. 

Elle mène des investigations sur les signalements faits via les réseaux sociaux, notamment en matière de protection des données à caractère personnel et de désinformation (par exemple, en démentant des rumeurs sur les tarifs de l'internet mobile). L'ARTCI assure également une veille sur la régulation des services "Over-The-Top" (OTT), dont font partie les réseaux sociaux, et sensibilise le public à la sécurité numérique.

Cet arsenal juridique et réglementaire montre une volonté de responsabiliser tous les acteurs de la chaîne de l'information, des créateurs de contenu aux plateformes techniques.

B. Le Rôle Crucial de l'Éducation aux Médias et à l'Information (EMI)

Pour contrer efficacement les dérives, il est indispensable de renforcer l’éducation aux médias. Développer l’esprit critique des citoyens leur permet de devenir des acteurs responsables dans la diffusion de contenus en ligne. 

Des programmes de sensibilisation doivent être mis en place, notamment auprès des jeunes, pour créer une culture numérique plus éclairée et vigilante.

C. Renforcer le Journalisme de Qualité et la Vérification des Faits

Enfin, il est crucial d’investir dans le développement d’un journalisme professionnel de qualité. Cela passe par le renforcement des compétences, le soutien aux organes de presse indépendants (notamment via le Fonds de Soutien et de Développement de la Presse (FSDP), désormais intégré à l'Agence de Soutien et de Développement des Médias (ASDM)) et la promotion des initiatives de fact-checking. La collaboration entre journalistes, plateformes numériques, autorités et société civile est indispensable pour garantir une information fiable, condition sine qua non d’une démocratie solide et d’une cohésion sociale préservée.

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