En Côte d'Ivoire, diriger une entreprise implique des risques légaux et financiers significatifs pour le dirigeant. Comprendre ces dangers et savoir comment s'en prémunir est essentiel pour assurer la sécurité et la pérennité de l'entreprise.
En Côte d'Ivoire, la fonction de dirigeant d’entreprise est aussi prestigieuse que périlleuse. Le pouvoir de décision a pour corollaire un risque personnel susceptible d'engager à tout moment l'ensemble du patrimoine du mandataire social. Dans un environnement juridique de plus en plus exigeant, régi notamment par les Actes Uniformes de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), la méconnaissance de ces enjeux n'est plus une option.
Pour un dirigeant, connaître l’étendue de sa responsabilité est un impératif stratégique. Cette maîtrise permet non seulement de prendre des décisions éclairées et de protéger son patrimoine, mais aussi de structurer une gouvernance saine, de renforcer sa crédibilité auprès des partenaires et de garantir la pérennité de l’entreprise. Cet article détaille l'étendue des risques (I) avant de présenter les mécanismes de protection essentiels (II).
I. L'Étendue de la Responsabilité du Dirigeant : Une Double Exposition
La responsabilité du dirigeant peut être engagée sur deux terrains distincts mais parfois cumulatifs : le plan civil, visant à réparer un préjudice, et le plan pénal, destiné à sanctionner une infraction à la loi.A. La Responsabilité Civile : Réparer le Préjudice
Le dirigeant engage sa responsabilité civile lorsqu’une faute commise dans l’exercice de ses fonctions cause un préjudice à la société, à un ou plusieurs associés, ou à des tiers. La finalité est purement indemnitaire : réparer le dommage causé.1. Les Fautes Engageant la Responsabilité Civile
Conformément à l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt Économique (AUDSCGIE), trois catégories de fautes peuvent fonder une action en responsabilité:Infraction aux dispositions légales ou réglementaires : Il s'agit de la violation de toute norme applicable à la société. La source principale est l'AUDSCGIE lui-même, mais aussi le Code du Travail, le Code Général des Impôts ou toute réglementation sectorielle spécifique.
Violation des statuts de la société : Le dirigeant est tenu de respecter les règles fixées par les associés dans les statuts, qui constituent le contrat de société. Ignorer les clauses relatives à la répartition des pouvoirs, aux modalités de consultation des associés ou à l'objet social constitue une faute.
Faute de gestion : C'est la notion la plus large, recouvrant toute décision, action ou même abstention contraire à l’intérêt de la société. Les exemples incluent des investissements hasardeux, une négligence dans la surveillance des comptes, ou la poursuite d'une activité lourdement déficitaire sans tentative de redressement.
En cas d'acte dommageable commis par plusieurs dirigeants (un conseil d'administration, par exemple), leur responsabilité à l'égard des tiers est solidaire. Cela signifie que la victime peut réclamer la totalité de l'indemnisation à un seul des dirigeants, à charge pour lui de se retourner ensuite contre les autres co-responsables.
2. Les Mécanismes d’Action en Justice
L'AUDSCGIE distingue deux types d'actions en responsabilité civile :
L’action sociale : Intentée au nom de la société pour réparer un préjudice qu'elle a subi. Elle est exercée par les nouveaux dirigeants contre leurs prédécesseurs. Si les dirigeants en place sont les auteurs de la faute et restent inactifs, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action pour le compte de la société (c'est l'action ut singuli). Les dommages-intérêts obtenus sont versés dans les caisses de la société.
L’action individuelle : Exercée par un tiers ou un associé qui subit un préjudice personnel, distinct de celui de la société. Par exemple, un associé privé de son droit de vote ou un tiers trompé par des informations financières erronées peut agir individuellement contre le dirigeant fautif.
Abus de biens ou du crédit de la société (Article 891 AUDSCGIE) : Le fait pour un dirigeant d'utiliser, de mauvaise foi, les biens ou le crédit de la société à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle il est intéressé.
Distribution de dividendes fictifs (Article 889 AUDSCGIE) : Répartir des bénéfices qui n'existent pas, en se basant sur un inventaire frauduleux.
Présentation ou publication de bilan inexact (Article 890 AUDSCGIE) : Publier des comptes annuels ne donnant pas une image fidèle de la situation financière de la société, en vue de dissimuler sa véritable situation.
Délit de banqueroute : En cas de cessation de paiement, le fait d'avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif, ou d'avoir frauduleusement augmenté le passif.
Les sanctions pour ces infractions peuvent aller jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 5 000 000 FCFA d'amende.
Abus de confiance : Détourner des fonds qui lui ont été confiés en sa qualité de dirigeant.
Escroquerie : Utiliser des manœuvres frauduleuses (faux bilans, etc.) pour tromper un tiers et le déterminer à remettre des fonds.
Faux et usage de faux : Établir ou utiliser des documents commerciaux, fiscaux ou sociaux falsifiés.
Infractions au droit du travail.
Fraude fiscale.
L’action sociale : Intentée au nom de la société pour réparer un préjudice qu'elle a subi. Elle est exercée par les nouveaux dirigeants contre leurs prédécesseurs. Si les dirigeants en place sont les auteurs de la faute et restent inactifs, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action pour le compte de la société (c'est l'action ut singuli). Les dommages-intérêts obtenus sont versés dans les caisses de la société.
L’action individuelle : Exercée par un tiers ou un associé qui subit un préjudice personnel, distinct de celui de la société. Par exemple, un associé privé de son droit de vote ou un tiers trompé par des informations financières erronées peut agir individuellement contre le dirigeant fautif.
3. Le Délai de Prescription : Un Point de Vigilance
L'action en responsabilité civile, qu'elle soit sociale ou individuelle, se prescrit par trois (3) ans. Ce délai court à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, si le fait est qualifié de crime, ce délai est porté à dix (10) ans.B. La Responsabilité Pénale : Sanctionner l'Infraction
Ici, l'objectif n'est plus de réparer mais de punir le dirigeant pour un comportement jugé répréhensible par la société. Les peines peuvent inclure de lourdes amendes et des peines d'emprisonnements1. Les Infractions Spécifiques au Droit des Sociétés (AUDSCGIE)
L'Acte Uniforme OHADA a prévu un arsenal répressif pour les dirigeants :Abus de biens ou du crédit de la société (Article 891 AUDSCGIE) : Le fait pour un dirigeant d'utiliser, de mauvaise foi, les biens ou le crédit de la société à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle il est intéressé.
Distribution de dividendes fictifs (Article 889 AUDSCGIE) : Répartir des bénéfices qui n'existent pas, en se basant sur un inventaire frauduleux.
Présentation ou publication de bilan inexact (Article 890 AUDSCGIE) : Publier des comptes annuels ne donnant pas une image fidèle de la situation financière de la société, en vue de dissimuler sa véritable situation.
Délit de banqueroute : En cas de cessation de paiement, le fait d'avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif, ou d'avoir frauduleusement augmenté le passif.
Les sanctions pour ces infractions peuvent aller jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 5 000 000 FCFA d'amende.
2. Les Infractions de Droit Commun Applicables au Dirigeant
Le dirigeant n'est pas au-dessus du droit pénal commun. Sa fonction peut même faciliter la commission de certaines infractions prévues par le Code Pénal ivoirien, fondées sur le principe général que tout fait de l'homme causant un dommage oblige à réparation:Abus de confiance : Détourner des fonds qui lui ont été confiés en sa qualité de dirigeant.
Escroquerie : Utiliser des manœuvres frauduleuses (faux bilans, etc.) pour tromper un tiers et le déterminer à remettre des fonds.
Faux et usage de faux : Établir ou utiliser des documents commerciaux, fiscaux ou sociaux falsifiés.
Infractions au droit du travail.
Fraude fiscale.
II. Les Mécanismes de Protection : Piloter Sereinement
Face à ces risques, le dirigeant dispose de plusieurs leviers prévus par la loi pour sécuriser sa gestion et limiter son exposition.1. La Gouvernance Préventive et la Formalisation des Décisions
Une gestion rigoureuse et transparente est la meilleure des protections.
Respecter l'objet social : La société est engagée par les actes de ses dirigeants, même ceux qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve la mauvaise foi du tiers. Agir dans le cadre de l'objet social protège donc le dirigeant contre une mise en cause pour des actes ultra vires.
Documenter les décisions stratégiques : Toutes les décisions importantes doivent être consignées dans des procès-verbaux. Ces registres, cotés et paraphés, constituent une preuve essentielle de la diligence du dirigeant en cas de contestation.
Autorisation préalable : Toute convention qui n'est pas une opération courante conclue à des conditions normales doit être soumise à une procédure d'autorisation par les associés (pour une SARL) ou le conseil d'administration (pour une SA). L'intéressé ne prend pas part au vote.
Conventions interdites : À peine de nullité du contrat, il est formellement interdit à un dirigeant personne physique de se faire consentir par la société un prêt, un découvert en compte courant, ou de faire cautionner ou avaliser par elle ses engagements envers des tiers.
Objet : Elle prend en charge les conséquences financières (frais de défense et dommages-intérêts) des mises en cause pour faute de gestion.
Limites : Elle ne couvre généralement pas les amendes pénales ni les fautes intentionnelles ou frauduleuses avérées.
Cette assurance protège le patrimoine personnel du dirigeant et lui permet d'exercer ses fonctions avec plus de sérénité.
Respecter l'objet social : La société est engagée par les actes de ses dirigeants, même ceux qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve la mauvaise foi du tiers. Agir dans le cadre de l'objet social protège donc le dirigeant contre une mise en cause pour des actes ultra vires.
Documenter les décisions stratégiques : Toutes les décisions importantes doivent être consignées dans des procès-verbaux. Ces registres, cotés et paraphés, constituent une preuve essentielle de la diligence du dirigeant en cas de contestation.
2. Le Contrôle Strict des Conventions Réglementées
Les transactions entre la société et son dirigeant sont une zone de risque majeur, strictement encadrée par l'AUDSCGIE.Autorisation préalable : Toute convention qui n'est pas une opération courante conclue à des conditions normales doit être soumise à une procédure d'autorisation par les associés (pour une SARL) ou le conseil d'administration (pour une SA). L'intéressé ne prend pas part au vote.
Conventions interdites : À peine de nullité du contrat, il est formellement interdit à un dirigeant personne physique de se faire consentir par la société un prêt, un découvert en compte courant, ou de faire cautionner ou avaliser par elle ses engagements envers des tiers.
3. L'Utilisation Stratégique de la Procédure d'Alerte
L'AUDSCGIE organise une procédure d'alerte permettant au commissaire aux comptes, lorsqu'il relève un fait "de nature à compromettre la continuité de l'exploitation", de demander des explications aux dirigeants. Répondre de manière diligente et transparente à une alerte est un moyen de démontrer sa bonne foi et de prévenir une action en responsabilité pour inaction. Les associés disposent également d'un droit d'alerte par le biais de questions écrites posées aux dirigeants.4. La Portée Limitée du Quitus
Le quitus, voté par l'assemblée générale, approuve la gestion du dirigeant pour un exercice clos. Cependant, sa portée est limitée. L'AUDSCGIE précise qu'aucune décision de l'assemblée ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les dirigeants pour une faute commise dans l'accomplissement de leur mandat. Un quitus ne couvre donc ni les infractions pénales, ni les fautes dissimulées à l'assemblée.
5. La Délégation de Pouvoirs : Un Transfert de Responsabilité Encadré
Un dirigeant peut déléguer une partie de ses pouvoirs à un collaborateur. Toutefois, même en cas de délégation, les dirigeants demeurent responsables. Ils conservent une obligation générale de surveillance et de contrôle. Pour être efficace, la délégation doit être précise, confiée à une personne compétente et dotée des moyens nécessaires, et le dirigeant ne doit pas s'immiscer dans les missions déléguées.6. L'Assurance Responsabilité Civile des Mandataires Sociaux (RCMS) : Le Bouclier Financier
Devenue un standard de bonne gouvernance, l'assurance RCMS (ou D&O pour Directors and Officers liability) est un outil de protection crucial.Objet : Elle prend en charge les conséquences financières (frais de défense et dommages-intérêts) des mises en cause pour faute de gestion.
Limites : Elle ne couvre généralement pas les amendes pénales ni les fautes intentionnelles ou frauduleuses avérées.
Cette assurance protège le patrimoine personnel du dirigeant et lui permet d'exercer ses fonctions avec plus de sérénité.
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