Cours de contentieux administratif - Droit ivoirien du Dr DIAHOU MARTINIEN VENCESLAS Enseignant à l’UFR des sciences juridiques Université Jean Lorougnon GUEDE Daloa.
Voir également :
- Première partie : la justice administrative- Deuxième partie : les différents recours contentieux devant les juridictions administratives
INTRODUCTION
Dans le langage juridique, le contentieux désigne les actions et les recours juridictionnels. Ainsi dans sa substance première et profonde, le contentieux signifie la querelle, la contestation. Le contentieux administratif est constitué, en ce sens, des litiges suscités essentiellement par l'action administrative.
Il traduit selon Marie-Christine ROUAULT " les carences du système administratif, les abus ou arbitraires publics, le climat de méfiance ou d'ignorance qui affecte les relations entre l'administration et les administrés, il est le fruit de la prolifération et de l'imperfection des lois et règlements administratifs, la marque des dysfonctionnements administratifs".
Même s'il existe différents modes de règlements des litiges administratifs, le règlement juridictionnel des différends, produits des excès et abus des autorités publiques, reste le mode souvent indispensable, et toujours le plus perfectionné, du traitement des maux administratifs.
Ainsi, étudier le contentieux administratif revient à analyser non des règles de fond, mais principalement des structures et des procédures juridictionnelles par lesquelles un administré peut saisir le juge d'une contestation et en attendre le règlement.
I- DEFINITION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF
Dans l'approche du professeur Bernard PACTEAU telle que reprise par le professeur LATH Yedoh dans son ouvrage intitulé Droit du contentieux administratif, le contentieux administratif peut faire l'objet d'une double définition selon qu'il est envisagé comme l'ensemble des litiges administratifs ou comme le régime des procès administratifs4. On envisagera alors une définition du contentieux administratif au double point de vue sociologique et juridique.
A- Définition sociologique du contentieux administratif
Du point de vue sociologique, le contentieux administratif est l'ensemble des litiges administratifs. Vu sous cet angle, « le contentieux administratif apparaît alors comme constitué par les discussions, disputes et démêlés, en un mot : les litiges, suscités par l'activité, matérielle ou juridique, des personnes et institutions administratives ».
L'approche sociologique met en évidence l'aspect pathologique du contentieux administratif perçue comme une maladie et exprime le dysfonctionnement de l'appareil administratif résultant de sa violation des règles qui régissent la vie publique. Le contentieux naît d'une faute commise par les autorités administratives dans l'exercice de leurs compétences ou même de la méprise des administrés de leurs droits.
Il se déclenche encore suite aux contradictions et confusions au sein de l'appareil administratif ou même contenues dans la législation administrative.
L'approche sociologique du contentieux administratif connaît quelques limites. Elle repose sur une conception large et même extensive qui conduit à une imprécision dans la définition. Toutes les contestations et tous les litiges qui naissent dans la vie administrative ne constituent pas, à proprement parler, un contentieux. Cela dans la mesure où dans son sens juridique et technique, le contentieux est certes un litige mais un litige susceptible d'être soumis au juge.
B- Définition juridique du contentieux administratif
Dans son sens juridique et technique, le contentieux s'identifie au procès et est plus précisément constitué par les actions et recours juridictionnels. On passe alors de la maladie à son traitement par le juge. Le procès apparaît alors comme un remède voire une médication.
Ainsi le contentieux administratif est l'ensemble des contestations et litiges nés du fait de l'activité administrative de personnes publiques ou privées et susceptibles d'être régulièrement soumis au juge.
Même si le contentieux administratif oppose généralement un administré à l'administration, il convient de souligner qu'il existe aussi le contentieux administratif entre personnes publiques, spécialement dans le cadre de la décentralisation. Et il y a encore du contentieux administratif à l'encontre de personnes privées associées à l'action publique.
Cette définition juridique du contentieux administratif n'exclut pas les autres formes de résolutions des liges, moins lourdes que le procès que sont : la réclamation, la conciliation et l'arbitrage qui peuvent être mises en œuvre avant même la saisine du juge. En effet, depuis longtemps, les pouvoirs publics recherchent des solutions permettant d'éviter le recours au juge.
Ces procédures non juridictionnelles appelées la phase précontentieuse ou le précontentieux, constituent parfois des palliatifs ou des préalables au recours juridictionnel. C'est le cas le plus souvent en matière du contentieux de l'annulation pour excès de pouvoirs où le recours administratif, règlement non juridictionnel, constitue une condition préalable du recours juridictionnel.
Ainsi selon l'article 57 de la loi n°94-440 du 16 août 1994 déterminant la composition, l'organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour Suprême, « les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des autorités administratives ne sont recevables que s'ils sont précédés d'un recours administratif préalable ».
II- LES SOURCES DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF
Les sources du contentieux administratif en Côte d'Ivoire sont écrites et essentiellement textuelles.
Elles sont les plus importantes et à la base de la création et du développement d'un contentieux administratif en droit ivoirien.
A- SOURCE CONSTITUTIONNELLE
La constitution, texte suprême dans l'ordre juridique interne, ne traite pas de la juridiction administrative en tant que telle et ne contient pas de disposition relative au contentieux administratif. Toutefois, elle reste une source importante de règles du contentieux administratif.
La loi n°2016-886 du 08 novembre 2016 portant Constitution de la République de Côte d'Ivoire consacre son titre IX au pouvoir judiciaire et crée le Conseil d'Etat en déclinant ses compétences et attributions. Suivant son article 149 « Le Conseil d'Etat est la plus haute juridiction de l'ordre administratif.
Il statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les tribunaux administratifs et par les juridictions administratives spécialisées en matière de contentieux administratif. Le Conseil d'Etat connaît en premier et en dernier ressort des recours en annulation des actes des autorités administratives centrales et des organismes ayant une compétence nationale.
Il exerce en outre une fonction consultative. À ce titre, il peut être sollicité par le Président de la République, pour avis, sur toute question de nature administrative ».
B- SOURCES LEGISLATIVES
Elles sont les plus nombreuses. Elles comportent les règles essentielles de la justice administrative.
Tout d'abord, le code de l'organisation judiciaire du 18 Mai 1961 qui créé un système juridictionnel unique habilité à connaître indistinctement les contentieux. Cette loi pose que « la justice est rendue en matière civile, commerciale, pénale et administrative par la Cour Suprême, les Cours d'Appel, les Tribunaux de Première Instance et leurs sections détachées ».
En conséquence de cette loi, un seul code de procédure civile, commerciale et administrative a été prévu pour aménager la manière de procéder. L'article 5 de ce code dispose à cet effet que « les Tribunaux de Première Instance et leurs sections détachées connaissent de toutes les affaires civiles, commerciales, administratives et fiscales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée expressément à une autre juridiction en raison de la nature de l'affaire ».
Ensuite la loi n° 94-440 du 16 Août 1994 déterminant la composition, l'organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour Suprême modifiée et complétée par la loi n° 97- 243 du 25 Avril 1997 (après les lois n° 61-201 du 2 Mai 1961 et n° 78-663 du 5 Août 1978).
L'article 54 de cette loi donne compétence à la Chambre Administrative de la Cour Suprême pour connaître des pourvois en cassation dirigés contre les décisions rendues en dernier ressort dans les procédures où une personne morale de droit public est partie, à l'exclusion des décisions rendues par les juridictions répressives dévolues à la Chambre Judiciaire.
Enfin, on a la loi n° 2018-978 du 27 décembre 2018 déterminant les attributions, la composition, l'organisation et le fonctionnement du Conseil d'Etat. Cette haute juridiction administrative exerce des attributions contentieuse et consultative. Au plan du contentieux, elle veille à l'application de la loi par les juridictions administratives et juge la légalité des actes administratifs et la responsabilité des personnes publiques et services publics.
Au plan consultatif, elle émet des avis sur tout projet de texte qui lui est soumis par le Président de la République et les membres du Gouvernement.
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