PREMIERE PARTIE : LA JUSTICE ADMINISTRATIVE
La justice administrative, par-delà la diversité des organes au travers desquels elle peut s'exprimer, a pour fonction de résoudre le contentieux administratif, c'est-à-dire régler les litiges qui opposent les administrés à l'administration. Ce règlement des litiges suscités par les actes et activités des organes et agents administratifs s'opère sur la base du droit administratif.
La justice administrative qui débouche sur le contentieux administratif repose certes, sur l'idée des excès et abus de l'Etat qu'il y a lieu de combattre et condamner. Mais elle résulte aussi du fruit de la croyance et confiance excessives, et parfois erronées, des administrés quant à leurs droits, et non moins de l'ignorance et de la méprise même de l'Administration sur ses propres pouvoirs.
Elle est, plus largement encore, le résultat de la prolifération et de l'imperfection des règles et lois de droit public.
CHAPITRE I : L'ORGANISATION JURIDICTIONNELLE ADMINISTRATIVE
L'analyse de l'organisation juridictionnelle administrative peut s'articuler autour de l'historique, la composition et les services rendus à la collectivité par les instances juridictionnelles censées trancher les litiges administratifs. C'est ce à quoi se rapporte les développements qui suivent.
SECTION I : OBJET ET MISSIONS LA JUSTICE ADMINISTRATIVE
I- OBJET DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE
Le contentieux administratif est constitué par les actions et recours devant les tribunaux. Il s'identifie alors aux procès administratifs, à leur régime et formes, donc à la justice administrative qui en assure le règlement. Placée au cœur de la relation entre les pouvoirs publics et les citoyens, la justice administrative est l'un des éléments essentiels de l'Etat de droit et est en plein essor dans notre pays à l'instar de tous les pays au monde.
Elle repose sur l'idée que l'Etat, les personnes publiques, les administrations, en considération de leurs missions d'intérêt général et des moyens qu'ils utilisent, en l'occurrence les prérogatives et les sujétions, ne peuvent pas être regardés, jugés comme les particuliers.
Par-là est mis l'accent sur une question centrale et cruciale : l'Etat, auteur du droit et dispensateur de la justice, est-il lui-même assujetti à la loi et au juge ? Naturellement, cette soumission de l'action administrative à un juge ne saurait étonner dans un. Etat démocratique et libéral. Elle est la logique de l'Etat de droit.
Des formes et caractères concrets du contentieux administratif, donc de la justice administrative entendue au sens le plus concret dépend la qualité de la vie administrative. C'est dire que ce contentieux est une pièce maîtresse de la légalité, du rétablissement de la justice d'une manière générale.
Car il ne suffit pas d'avoir des droits, il faut plus encore pouvoir et certes aussi savoir les défendre. Tel est l'objectif, autant que l'objet du contentieux administratif.
II-LES MISSION DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE
La fonction de la justice administrative est de trancher, sur la base du droit administratif, les litiges qui opposent les administrés et les diverses administrations. Saisie par un administré, généralement une personne privée, mais quelques fois par une personne publique relativement à un différend, un litige qui l'oppose à une personne publique ou à une personne privée, chargée d'une mission de service public, la justice administrative doit le régler.
Ce qui conduit à exercer un contrôle juridictionnel et à prendre diverses décisions à l'encontre de l'administration. Celles-ci peuvent consister en une condamnation de l'administration à indemniser les victimes des dommages causées par ses activités; en l'annulation de ses décisions ou actes administratifs lorsqu'ils se révèlent infectés d'illégalités et ; en cas d'urgence, en la suspension de l'exécution d'une décision dans l'attente du jugement au fond.
En rendant ces diverses décisions, le juge administratif assure la soumission de l'administration au droit pour protéger les droits et libertés individuelles (A) et leur conciliation avec l'intérêt général et l'action administrative (B).
A- LA SOUMISSION DE L'ADMINISTRATION AU DROIT
La justice administrative contrôle l'activité administrative de l'administration à travers le règlement des litiges portés devant elle. Elle assure ainsi la soumission effective de l'administration au droit et partant, la protection des droits et libertés contre l'arbitraire et l'incohérence de l'administration censée les protéger.
Le fait est que l'idée que l'administration ne doit pas être libre, qu'elle doit insérer ses actes et ses activités dans le cadre tracé par la légalité s'est imposée depuis le I9eme siècle avec l'avènement de l'idéologie de l'Etat de droit.
Celui-ci postule que pour éviter l'arbitraire, le pouvoir d'Etat doit être soumis à l'obligation de respecter le droit, et les juridictions administratives, saisies par les administrés, sont chargées de sanctionner les atteintes portées au droit.
Quelles que soient les résistances larvées auxquelles elle se heurte encore, la soumission de l'administration au droit a acquis valeur de principe et nul ne la récuse ouvertement. Il n'est plus possible aujourd'hui, tant pour des raisons idéologiques que pour des raisons de nécessité concrètes, de faire l'apologie de l'arbitraire et de l'ériger en mode d'action et de gouvernement.
Sans doute, la soumission de l'administration au droit n'allait pas de soi ; c'est une gageure. On a même pu, avec Prosper WEIL, y voir un miracle. Il note que « le droit qui régit l'activité des particuliers est imposé à ceux-ci du dehors, et le respect des droits et obligations qu'il comporte se trouve placé sous l'autorité et la sanction d'un pouvoir extérieur et supérieur : celui de l'Etat. Mais que l'Etat lui-même accepte de se considérer comme lié par le droit, cela mérite l'étonnement.
Il est de la nature des choses qu'un gouvernement croie, de bonne foi, être investi du pouvoir de décider discrétionnairement du contenu et des exigences de l'intérêt général. Il faut qu'il fasse effort sur lui-même pour se considérer comme tenu de rester dans les voies d'un droit qui lui dicte certaines conduites et lui en interdit d'autres.
À plus forte raison, doit-il considérer comme peu normal de voir ses décisions soumises à la censure d'un juge... ».
La soumission de l'administration au droit se révèle d'autant plus étonnante que l'on sait que le pouvoir de l'administration trouve son fondement initial dans l'autorité du souverain et le souverain, par définition, échappe à la règle puisqu'elle procède de lui.
Mais en dépit de tous ces éléments et considérations, le droit a fini par s'imposer à l'Administration. Aujourd'hui, les rapports de l'administration et du droit sont des rapports de subordination.
L'action administrative n'est pas libre. Elle est limitée par l'obligation de respecter certaines règles. L'administration ne bénéficie pas d'immunité, elle doit réparer les dommages qu'elle cause.
Si la justice pénale vise à défendre la société contre ceux qui en troublent l'ordre, si la justice civile arbitre les différends entre personnes de rang égal, [a justice administrative est appelée à défendre les citoyens contre les pouvoirs publics, contre l'arbitraire administratif.
Cette défense des droits et libertés des citoyens, pour être importante, n'en est pas pour autant la seule mission de la justice administrative. Elle doit la concilier avec l'intérêt général et l'action administrative.
B- LA CONCILIATION DES DROITS ET LIBERTES AVEC L'INTERET GENERAL ET L'ACTION ADMINISTRATIVE
Dans sa protection des droits et des libertés des particuliers qui constitue un des objectifs poursuivis par la justice administrative, celle-ci ne doit pas empêcher l'administration d'agir, de bafouer son autorité ou encore porter atteinte à ses prérogatives indispensables à sa mission d'intérêt général.
La justice administrative est soucieuse, en premier lieu, de préserver l'intérêt général porté par l'administration qu'elle doit faire prévaloir, quand elle ne peut le concilier avec les intérêts privés. L'exemple de la théorie des circonstances exceptionnelles (C.E 28 juin 1918, HEYRIES) est particulièrement illustratif de ce souci de la justice administrative de faire en sorte que la légalité, le respect de la règle de droit, ne constitue pas un carcan pour l'action administrative nécessaire à la vie commune.
Le droit administratif, dans lequel se meut la justice administrative et que celle-ci alimente par sa jurisprudence, est d'abord un moyen d'action de l'administration. Il lui permet de prendre des décisions et de les imposer. En contrôlant l'action de l'administration, la justice administrative s'assigne pour mission de sauvegarder les droits des particuliers, mais aussi les prérogatives de l'administration pour lui permettre d'agir.
SECTION II : LE DROIT ADMINISTRATIF : SUPPORT DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE
Pour réussir sa mission, qui fait d'elle la clé de voûte de l'Etat de droit, la justice administrative va agir au moyen d'un droit autonome du droit commun, un droit spécifique à la création et au développement duquel elle assure le rôle essentiel : le droit administratif.
En matière de contentieux administratif, le règlement des litiges, qui opposent les administrés à l'administration, s'opère sur le fondement du droit administratif. Celui-ci est un droit spécifique (I) et un droit jurisprudentiel (II).
I- LE DROIT ADMINISTRATIF : UN DROIT SPÉCIFIQUE
Le droit administratif doit être entendu dans son sens restrictif, c'est-à-dire les seules règles de droit spécifique applicables à l'administration. Dit autrement, le droit administratif se donne alors comme l'ensemble des règles exorbitantes du droit commun applicables à l'administration, à l'exclusion des règles de droit privé ; c'est le grand enseignement de l'arrêt Blanco et de son sosie ivoirien, l'arrêt société des centaures routiers de 1970.
Ces arrêts fondateurs posent en principe que le droit privé, conçu pour les rapports de particulier à particulier, n'a pas vocation à s'appliquer aux activités du service public qui nécessitent pour leur mise en œuvre, une conciliation entre les droits des particuliers et ceux de la puissance publique, dont le droit administratif en est le tabernacle.
Pour bien comprendre cette définition du droit administratif, il faut s'interroger sur ce qui caractérise les relations de l'administration avec les administrés par rapport à celles qui se nouent entre les personnes privées.
Ce qui distingue la relation entre administration et administrés de la relation privée, ce qui constitue la dérogation au droit privé par laquelle le droit administratif se caractérise, ce sont d'une part, les prérogatives que l'administration met en œuvre, et d'autre part, les sujétions dans lesquelles son action est enfermée.
Les prérogatives et les sujétions de l’administration n'ont pas d'équivalence dans les rapports entre particuliers.
1-Les prérogatives
L'Etat, à travers son administration, ne peut poursuivre les fins qui sont sa raison d'être, c'est-à-dire l'intérêt supérieur de la collectivité qui englobe la satisfaction des besoins essentiels de ceux qui la composent, lesquels les transcendent, s'il ne dispose pas de pouvoirs que le droit commun refuse aux particuliers dans leurs rapports réciproques.
L'égalité entre les personnes privées est la base du droit privé. Le droit administratif implique quant à lui, une relation fondamentalement inégalitaire. Il ne peut en être autrement, à défaut, les intérêts privés pourraient tenir en échec la poursuite du bien commun qui peut leur imposer des sacrifices.
Que l'existence des prérogatives propres à la puissance publique réponde à une nécessité, le droit anglais le confirme. Longtemps, il a reposé sur l'application de la « common law » à l'action de l'administration. Aujourd'hui, au terme d'une évolution, « l'administrative law » existe et confère à l'administration la quasi-totalité des prérogatives de l'administration.
Ces pouvoirs ou prérogatives sont pour le moins bien connus. D'abord, et avant tout, la possibilité par une décision unilatérale produisant immédiatement ses effets, de modifier, pour l'avenir, la situation juridique des administrés en dehors de tout consentement de leur part, c'est tout le sens de l'acte administratif.
Même lorsque l'administration recourt au procédé contractuel, le régime propre au droit administratif lui permet d'imposer au particulier cocontractant des sujétions que le contrat ignore. L'administration, de plus, peut, si une de ses décisions se heurte à la résistance du particulier, recourir, dans certaines conditions, à la contrainte. Elle peut ainsi, par l'expropriation, obliger un particulier à lui céder un immeuble.
Elle est responsable, certes, des dommages que ses fautes, parfois même la réalisation des risques auxquels elle expose les particuliers, peuvent entraîner pour eux, mais sa responsabilité, comme l'indique l'arrêt centaures routiers du 14 janvier 1970, reprenant l'arrêt Blanco, n'est ni générale, ni absolue.
Mais ces prérogatives dont bénéficie l'administration sont contrebalancées par des sujétions et contraintes qui n'existent pas dans les relations des particuliers.
2-Les sujétions
Dans des domaines où l'activité privée s'exerce librement, les activités de l'administration se heurtent à des contraintes particulières. À titre d'illustration des sujétions, on peut évoquer la capacité d'agir. L'administration, au contraire des particuliers n'est pas libre d'agir ; elle est liée par sa compétence. Elle ne peut déléguer celle-ci qu'à certaines conditions.
Elle n'est pas maître de se refuser à l'exercer. On peut aussi citer la sujétion qui ôte à l'administration le choix des fins qu'elle poursuit et des modalités à emprunter.
L'administration n'a pas la liberté du choix des fins qu'elle entend poursuivre, au contraire des particuliers. Il n'est pas permis à l'administration, de façon générale, de s'écarter des procédures et de la finalité définie pour la poursuite de l'intérêt général. Le détournement de pouvoir entache d'illégalité toute décision administrative qui méconnaît la compétence et la finalité de l'administration.
Il en va ainsi de l'obligation pour l'administration de prendre ses actes, ou de choisir ses cocontractants au travers de procédures prédéterminées et des modalités précises. Il en va encore de la règle de l'inaliénabilité du domaine public qui interdit l'administration de céder une dépendance du domaine public.
Sans les prérogatives de puissance publique, il ne serait pas possible à l'administration de remplir sa mission ; sans les sujétions, la tentation d'abuser du pouvoir, commune, selon Montesquieu, à tous ceux qui détiennent ne fût-ce qu'une parcelle de pouvoir, risquerait de réduire la liberté des administrés et leur sécurité face à l'administration. C'est dire que l'administration est à la fois au service de l'action politique et au service des individus. Le droit administratif est, à la fois, droit d'action et droit de protection contre l'arbitraire.
II-LE DROIT ADMINISTRATIF : UN DROIT JURISPRUDENTIEL
Le droit administratif est fondamentalement jurisprudentiel, parce que ses principales règles et notions sont créées, élaborées par le juge. Cela ne signifie pas que ce droit ne soit alimenté par d'autres sources. La coutume, les lois et règlements en sont de parfaites illustrations. Il existe de nombreux textes en droit administratif, surtout en ce qui concerne l'organisation administrative, la fonction publique.
Au contraire du droit civil où les règles fondamentales sont posées par la législation, en droit administratif, les notions et principes essentiels sont d'origine jurisprudentielle. Les textes ne viennent que pour régler les situations ou cas particuliers, alors que les règles applicables à la généralité des situations se trouvent dans la jurisprudence.
En l'absence de code administratif, à l'exemple du code civil, ou de textes qui établissent les théories générales, énoncent les principes généraux, et précisent les notions, il est revenu au juge, contraint de statuer, même en cas d'obscurité ou d'absence de la loi, de créer la règle de droit applicable au litige à lui porter. Il en résulte qu'en matière de droit administratif, la jurisprudence fournit le droit commun et la législation, le droit d'exception.
Il est incontestable que le droit administratif est fondamentalement jurisprudentiel ; que le juge de l'administration a un pouvoir normatif et qu'il est devenu par la force des choses un jurislateur.
Ce caractère jurisprudentiel ne va pas sans soulever diverses controverses sur la légitimité et aussi la connaissance, l'accès ou la compréhension du droit administratif. Ces difficultés d'accès ou de compréhension de la jurisprudence, autrement dit au droit administratif, constituent l'un des défis qui se posent à la justice administrative.
CHAPITRE II : LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE
L'analyse de la juridiction administrative consistera à présenter l'ensemble des différentes juridictions dont les compétences dans le domaine administratif sont avérées. Ce qui signifie que la juridiction administrative est l'étude du système juridictionnel administratif. Un détour par l'histoire (I) permettra de comprendre l'origine de ce système juridictionnel avant de présenter les lieux où s'exerce en Côte d'Ivoire, la justice administrative (II).
SECTION I : HISTORIQUE
C’est le lieu de rappeler que la justice administrative, tout comme l'ensemble de notre système juridictionnel, procède de la colonisation française. Bien qu'étant inspirée du modèle français, la justice administrative ivoirienne s'est adaptée aux contextes sociaux, économiques et culturels. Elle est donc dans un processus dynamique porté par de profondes réformes qui tendent à l'éclosion d'une véritable justice administrative.
I-AU COMMENCEMENT ETAIT L'UNITE DE JURIDICTION
Après l'indépendance, la Côte d'Ivoire se dote d'une nouvelle organisation juridictionnelle, qui se distingue de celle de la France avec laquelle elle n'a pas la même histoire, laquelle a donné naissance à l'ordre administratif. Elle met en place une organisation simple. Du fait de la faiblesse, des ressources humaines et des litiges administratifs, la Côte d'Ivoire, à l'instar de nombreux pays africains (Maroc, Sénégal), opte pour l'unité de juridiction avec un particularisme au niveau de la Cour Suprême.
Toutefois, la Constitution de la Deuxième République (celle du 1er août 2000) avait suscité l'espoir d'une modification substantielle de l'organisation juridictionnelle du pays avec l'avènement d'un ordre juridictionnel administratif, suite à la constitutionnalisation du Conseil d'Etat.
Espoir déçu puisqu'en pratique, nous sommes restés attachés au système d'unité de juridiction. L'organisation juridictionnelle moniste dite “organisation judiciaire" est structurée au premier degré par le Tribunal de première instance (ou sa section détachée), au deuxième degré par la Cour d'appel et en cassation par la Cour Suprême composée initialement de quatre chambres, puis réduites à deux après la mise en place du Conseil constitutionnel et de la Cour des comptes. Ainsi se présentait l'architecture judiciaire ivoirienne :
- Au premier degré se trouve le tribunal de première instance et ses sections détachées ;
- Au deuxième degré la Cour d'Appel (Abidjan-Bouaké-Daloa) ;
- En Cassation, il y a la Cour Suprême composée de la Chambre judiciaire et la Chambre administrative.
De ce qui précède, en Côte d'Ivoire, ce sont donc les tribunaux de droit commun (droit privé) qui sont aussi compétents pour connaître des litiges administratifs (droit administratif). Si dans les tribunaux de 1ère instance et dans les Cours d'Appel, il n'existe pas de formation spécialisée de jugement, au niveau de la Cour suprême, il existe une formation spécialisée en matière administrative : la Chambre administrative.
Outre le contentieux électoral administratif (élection des conseils régionaux et municipaux, élection de Doyen de Faculté, etc.), la Chambre administrative est compétente :
- en cassation : pour connaître des affaires où une personne publique est partie, sauf pour les affaires pénales dévolues à la Chambre judiciaire ;
- en premier et dernier ressort en matière de contrôle de légalité (recours pour excès de pouvoir).
La Chambre administrative n'a qu'une compétence d'attribution pour connaître de tous les litiges administratifs.
Ce système d'organisation juridictionnelle ne favorise pas l'éclosion du droit administratif. En effet, lorsqu'il est saisi, surtout dans le plein contentieux de la responsabilité, le juge d'instance et/ou celui de la Cour d'Appel ont tendance à appliquer le droit civil à des litiges administratifs. On assiste à une forte "civilisation du droit administratif ivoirien". C'est-à-dire une application du droit civil au contentieux administratif.
Car trop souvent, les juridictions qui se conçoivent, à tort, comme des juridictions judiciaires se déclarent incompétentes pour connaître d'une affaire où l'État est partie (voir à titre d'illustration Chambre administrative, 31 mai 1967, Société dés Centaures routiers), ou bien elles s'estiment compétentes, mais appliquent le droit civil. Alors que comme indiqué plus haut, le droit applicable aux litiges administratifs est le droit administratif.
Cependant avec la Constitution de la 3ème République, à l'instar de sa devancière de la 2ème République, qui a opté pour un système judiciaire comprenant au moins deux ordres de juridiction séparés : l'un judiciaire et l'autre administratif, en lieu et place du monisme ou unité de juridiction de la Constitution de la 1ère République, l'idée d'une judiciarisation de tout le dispositif de justice ivoirien, vient ainsi être contrebalancé.
II- LES REFORMES INSTITUTIONNELLES
Pendant longtemps, la justice en Côte d'Ivoire a longtemps été réduite à sa seule branche judiciaire, laquelle tendait à phagocyter la branche administrative. Mais celle-ci va connaître une reviviscence avec la mise en œuvre de la constitution du 8 novembre 2016, qui a enclenché une réforme transformant l'ossature de la justice administrative.
On peut lire sous le Titre IX de la Constitution de la 3e République, consacré au Pouvoir judiciaire, précisément à l'article 143 nouveau de la loi constitutionnelle n° 2020-348 du 19 mars 2020 modifiant la loi n° 2016-886 du 8 novembre 2016 portant Constitution de la République de Côte d'Ivoire que: « La justice est rendue sur toute l'étendue du territoire national, au nom du peuple ivoirien, par la Cour de Cassation, le Conseil d'Etat, la Cour des Comptes, les Cours d'appel, les tribunaux de Première instance, les tribunaux administratifs et les Chambres régionaux des Comptes ».
Le Conseil d'Etat et la Cour de cassation, sont respectivement les juridictions suprêmes de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire.
Mais avant, il convient de rappeler qu'en 1994, dans le contexte de démocratisation des institutions publiques, la chambre constitutionnelle est érigée en un Conseil constitutionnel à la suite d'une révision de la Constitution du 3 novembre 1960.
C'est alors que fut adoptée une nouvelle loi n° 94-440 du 16 août 1994 déterminant la composition, l'organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour suprême. Cette loi modifiée par la loi n° 97-243 du 25 avril 1997 dispose en son article 2 que « La Cour suprême comprend trois Chambres : la Chambre judiciaire, la Chambre administrative, la Chambre des comptes ».
Née au lendemain de l'indépendance, la Chambre administrative a été conçue selon le professeur KOBO, comme un « appendice des juridictions judiciaires, une chétive juridiction nichée dans une aile sombre de la Cour suprême, avec des compétences étriquées, une composition étique, une infrastructure immobilière provisoire et banale ». Elle était destinée à régler d'hypothétiques litiges administratifs, singulièrement le contentieux de la fonction publique.
En l'absence de code de procédure propre, de juridictions de première instance et d'appel, et de magistrats spécialisés, le traitement du contentieux administratif a tout de même été assuré par la Chambre administrative. Par l'opiniâtreté de ses premiers animateurs et surtout, par une activité juridictionnelle et jurisprudence qui mérite éloge, la Chambre administrative a su surmonter ses entraves pour devenir une juridiction à part entière.
Elle a acquis droit de cité en tant que régulatrice du contentieux administratif et gardienne de l'orthodoxie de l'application du droit administratif.
Aujourd'hui, après la mise en place de la Chambre Nationale des Rois et Chefs traditionnels et du Sénat, créés par la Constitution de 8 novembre 2016, on attendait avec impatience et excitation, le remodelage de l'architecture juridictionnelle dans notre pays, qui doit se traduire, en plus de l'ordre juridictionnel comptable avec la Cour des Comptes, par l'institutionnalisation d'un ordre de juridiction judiciaire, couronné par la Cour de Cassation, et d'un ordre juridictionnel administratif, exclusivement consacré au traitement du contentieux administratif, avec à sa tête, une juridiction suprême souveraine : le Conseil d'Etat.
C'est cette impérieuse réforme qu'opère la Constitution de la 3ème République, en donnant à la justice administrative une configuration nouvelle. Elle prévoit la mise en place d'un véritable ordre juridictionnel administratif avec trois niveaux : première instance (tribunaux administratifs), appel (cours administratives d'Appel) et cassation (Conseil d'Etat) ; juridiction administrative suprême autonome qui n'est rien d'autre que la transformation de la Chambre Administrative.
SECTION II : LES LIEUX D'EXERCICE DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE
La justice administrative s'exerce au sein de juridictions ou institutions dont compétences leurs ont été attribuées par les lois. Si l'on s'en tient à la réforme du système judiciaire initiée par la loi constitutionnelle du 8 novembre 2016, la justice administrative, abstraction faite aux juridictions spécialisées, doit s'exercer au sein des tribunaux administratifs, des cours d'appel administratifs et au Conseil d'Etat. Mais, bien que prévue par la Constitution de la République, force est de constater dans la pratique à une reconduction du système d'unité de juridiction.
Cela tient aussi bien à diverses raisons qu'à des modalités pratiques comme le fait remarquer à juste titre le professeur LATH. En effet pour ce juriste, les pouvoirs publics ivoiriens, c'est-à-dire le gouvernement et l'Assemblée nationale, ne sont pas encore parvenus à mettre en place les deux ordres juridictionnels qui devraient constituer le système juridictionnel aux regards des dispositions constitutionnelles.
C'est en prévision de cette éventualité et pour éviter un vide institutionnel que le constituant a trouvé lui-même nécessaire de maintenir l'existant jusqu'à ce qu'interviennent les nouvelles institutions juridictionnelles. Cette reconduction tacite du modèle de l'unité juridictionnelle peut se comprendre. D'une part, l'article 181 de la constitution du 8 novembre 2016 qui dispose que : « jusqu'à la mise en place des nouvelles institutions, les institutions établies continuent d'exercer leurs fonctions et attributions conformément aux lois et règlements en vigueur ».
À travers cette disposition, on comprend aisément que l'exercice des compétences juridictionnelles, longtemps incarné par le principe de l'unité juridictionnelle demeure applicable et toujours en vigueur. D'autre part, n'ayant pas créé ou prévu un code de procédure propre au traitement du contentieux administratif, la loi n° 72-0883 du 21 décembre 1972 modifiée par les lois n° 78-663 du 5 août 1978, 93-670 du 9 août 1993, 97-5157 du 4 septembre 1997, portant code de procédure civile, commerciale et administrative est encore d'application, n'ayant pas fait l'objet d'abrogation.
Elle consacre toujours un système d'unité de juridiction qui fait qu'organiquement la justice administrative s'exprime au travers de trois principales juridictions. Les juridictions de droit commun (I) ; les juridictions spécialisées (II) et le Conseil d'Etat (III).
I- LES JURIDICTIONS DE DROIT COMMUN
Elles sont constituées par les tribunaux de première instance et les cours d'appel.
A- LES TRIBUNAUX DE PREMIERE INSTANCE ET LEURS SECTIONS DÉTACHÉES
En attendant, la mise en place des tribunaux administratifs appelés à être en premier ressort, juges de droit commun du contentieux administratif, ce sont les tribunaux ordinaires de l'ordre judiciaire et leurs sections détachées qui continuent d'officier en matière de litiges administratifs.
Cette compétence juridictionnelle est consacrée par l'article 5 du code de procédure civile, commerciale et administrative qui dispose que « les tribunaux de première instance et leurs sections détachées connaissent de toutes les affaires civiles, commerciales, administratives et fiscales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée expressément à une autre juridiction en raison de la nature de l'affaire ». Les tribunaux de première instance sont, alors, juges de droit commun en matière administrative.
Cet article signifie que les tribunaux de première instance bénéficient d'une compétence de principe à l'égard du contentieux administratif par opposition à la compétence d'attribution du Conseil d'Etat et des juridictions spécialisées. Les tribunaux de première instance sont donc compétents pour connaître de toute affaire, administrative dès lors que la loi n'a pas expressément prévu la compétence d'une autre juridiction.
En application de ce principe, échappent à la compétence des TPI, le recours pour excès de pouvoir et le contentieux des élections locales dévolus à la défunte Chambre Administrative. Relèvent à contrario de la compétence des TPI, le contentieux de la responsabilité, le contentieux contractuel, le contentieux fiscal, lesquels n'ont pas été attribués à d'autres juridictions.
La jurisprudence, elle-même, a confirmé cette compétence de principe des tribunaux de première instance à l'égard du contentieux administratif. Dans l'arrêt Société des Centaures Routiers de 1967 (arrêt n°4 du 31 mai 1967), la Chambre Administrative a jugé que les recours qui ne rentrent pas dans l'énumération des compétences de la Chambre Administrative « rentrent dans la compétence des juridictions civiles ou pénales alors même qu'ils doivent être résolus en application des règles du droit administratif ; ...dès lors, c'est par une application inexacte de la loi que l'arrêt entrepris a déclaré la juridiction civile incompétente pour connaître d'un litige dans lequel est mise en cause la responsabilité de l'Etat ».
B-LES COURS D’APPEL
Tout comme les tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel n'ont pas encore été créées. Si elles venaient à l'être, elles doivent s'intercaler entre les tribunaux administratifs, juges de premier ressort et le Conseil d'Etat, désormais juge de cassation sur la majeure partie du contentieux dont l'appel serait transféré à ces cours. Les cours administratives d'appel sont en principe juges d'appel de droit commun du contentieux administratif à l'égard des tribunaux administratifs qui eux sont juges de droit commun en premier ressort.
Mais à l'heure actuelle, les Cours d'appel ordinaire, en leur qualité de juge d'appel des jugements rendus par les tribunaux et leurs sections détachées, constituent également les lieux d'exercice d'appel de la justice administrative. Il en existe trois implantées dans les villes dans les villes d'Abidjan, Bouaké et Daloa. Ces juridictions sont constituées de chambres civiles, sociales, correctionnelles et administratives.
II-LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES SPECIALIES
À côté de l'armature juridictionnelle administrative constituée par le Conseil d’ Etat et les différentes juridictions territoriales, il existe aussi toute une nébuleuse de juridictions administratives qu'on qualifie spéciales et qui le sont effectivement à plusieurs titres. Elles se différencient des juridictions de droit commun par leur composition et leur mode de fonctionnement.
Leurs décisions sont soumises à la Chambre Administrative (Conseil d'Etat aujourd'hui) par la voie de l'appel ou de la cassation. Il s'agit essentiellement, entre autres, des organismes de répression disciplinaire comme ceux de l'université et des ordres professionnels.
Certaines activités, qui relèvent de la fonction juridictionnelle entendue matériellement, sont, dans une certaine mesure, confiées à des organismes administratifs. Ceux-ci bénéficient en quelque sorte d'un dédoublement fonctionnel en conséquence duquel ils peuvent prendre des actes juridictionnels soumis à un contrôle de cassation devant la Chambre Administrative.
Il en va ainsi particulièrement du domaine disciplinaire pour des mesures prises par les instances disciplinaires des universités ou de certains organismes professionnels.
Pour les premières citées, la Cour a jugé dans l'affaire François Xavier SANTUCCI (arrêt n° 2 du 28 avril 1976) que la décision prise par le Conseil de l'Université, siégeant en formation disciplinaire, constitue une décision juridictionnelle, insusceptible de recours pour excès de pouvoir, mais de recours en cassation.
Pour les secondes, la Cour se reconnaît également juridiction de cassation à l'égard des décisions prises par la Chambre de Discipline du Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens (arrêt n° 10 du 26 mai 2004, Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens c. / Doumbia Mohamed ; arrêt n° 28 du 25 juin 2008, VEI Bernard c. / Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens). Il en va de même du Conseil Supérieur de la Magistrature lorsqu'il statue en formation disciplinaire.
III- CONSEIL D'ETAT
Il avait été annoncé à l'article 147 de la Constitution du 8 novembre 201612. Et l'article 149 de cette même constitution précise explicitement que le Conseil d'Etat est la plus haute juridiction de l'ordre administratif, fonction d'assumait jusqu'en décembre 2018 la Chambre Administrative. C'est donc la loi n° 2018-978 du 27 décembre 2018 qui transfigure la Chambre Administrative en Conseil d'Etat et qui en détermine ses attributions, sa composition, son organisation ainsi que son fonctionnement.
Ainsi selon l'article 4 de la loi précitée, le Conseil d'Etat exerce une double attribution. L'une contentieuse et l'autre consultative.
A- LES ATTRIBUTIONS CONTENTIEUSES DU CONSEIL D'ETAT
Aux termes de l'article 5 de loi n° 2018-978 du 27 décembre 2018 « le Conseil d'Etat statue souverainement:
- sur les recours en cassation dirigés contre les décisions rendues soit en premier et dernier ressort, soit en dernier ressort par les juridictions administratives de droit commun ou par les juridictions administratives spécialisées ;
- en premier et dernier ressort sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions administratives émanant des autorités administratives centrales, ou des organismes ayant une compétence nationale ;
- en premier et dernier ressort sur les recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif; - sur les recours en interprétation et en appréciation de la légalité des actes dont le contentieux relève de sa compétence ;
- sur le contentieux des élections des organes des collectivités territoriales et des élections à caractère administratif ».
À l'analyse de ce texte, il convient de noter que le Conseil d'Etat dispose trois catégories de compétences.
D'abord il est juge de cassation en ce sens qu'il a compétence pour statuer sur les décisions rendues en premier et /ou dernier ressort par les tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel ainsi que celles des instances disciplinaires et les ordres des organismes professionnels. Ces décisions peuvent donc à travers cette compétence du Conseil d'Etat, être annulées et remettre les parties en l'état où elles se trouvaient auparavant.
Ensuite, le Conseil d'Etat est juge des élections, c'est-à-dire du contentieux électoral local et administratif. Il s'agit des litiges qui naissent lors de la désignation des organes délibérants des communes ou des régions dans le cadre de la décentralisation territoriale ou encore de certaines autorités administratives dans celui de la décentralisation technique ou par service.
En agissant ainsi, le Conseil d'Etat, a une compétence de droit commun pour connaître d'un recours portant sur l'élection d'une autorité devant assurer l'exercice d'une puissance publique, notamment une autorité administrative spéciale.
Enfin le Conseil d'Etat à une compétence exclusive pour connaître des recours pour excès de pouvoir formés contre les décisions des autorités administratives. En la matière, donc, le Conseil d'Etat a une compétence exclusive. Aucune autre juridiction ne peut connaître des décisions des autorités administratives.
Cette exclusivité conférée au Conseil d'Etat qui révèle ainsi sa fonction naturelle de juge principal de l'administration, fait de lui, le lieu par excellence de la justice administrative, le lieu de la protection des libertés contre les intrusions excessives, les dérives de l'autorité administrative, le lieu du contrôle de la légalité des actes des autorités administratives, de la soumission effective de l'administration au droit, enfin le lieu de la garantie de l'intérêt général, de l'intérêt public.
C'est en cela que note Gaston JEZE, le recours pour excès de pouvoir est « l'arme la plus efficace, la plus économique et la plus pratique qui existe au monde pour défendre les libertés individuelles ».
III- CONSEIL D'ETAT
Il avait été annoncé à l'article 147 de la Constitution du 8 novembre 201612. Et l'article 149 de cette même constitution précise explicitement que le Conseil d'Etat est la plus haute juridiction de l'ordre administratif, fonction qu'assumait jusqu'en décembre 2018 la Chambre Administrative.
C'est donc la loi n° 2018-978 du 27 décembre 2018 qui transfigure la Chambre Administrative en Conseil d'Etat et qui en détermine ses attributions, sa composition, son organisation ainsi que son fonctionnement. Ainsi, selon l'article 4 de la loi précitée, le Conseil d'Etat exerce une double attribution. L'une contentieuse et l'autre consultative.
A- LES ATTRIBUTIONS CONTENTIEUSES DU CONSEIL D'ETAT
Aux termes de l'article 5 de loi n° 2018-978 du 27 décembre 2018 « le Conseil d'Etat statue souverainement:
- sur les recours en cassation dirigés contre les décisions rendues soit en premier et dernier ressort, soit en dernier ressort par les juridictions administratives de droit commun ou par les juridictions administratives spécialisées ;
- en premier et dernier ressort sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions administratives émanant des autorités administratives centrales, ou des organismes ayant une compétence nationale ;
- en premier et dernier ressort sur les recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif;
B- LES ATTRIBUTIONS CONSULTATIVES DU CONSEIL D'ETAT
Selon l'article 7 « Le Conseil d'Etat émet des avis sur tout projet de texte qui lui est soumis par le Président de la République et les membres du Gouvernement. Il peut être consulté par le Premier Ministre ou les ministres sur les difficultés en matière administrative ». Cette compétence constitue une des innovations majeures de la plus haute juridiction administrative.
La complexité croissante du droit et l'absence de ressources humaines en matière juridique au sein de certaines administrations rendent pressante une demande d'expertise du gouvernement auprès du Conseil d'Etat lors de la préparation des différents textes. L'apport du Conseil d'Etat sera de parfaire la qualité normative des textes, d'assurer leur sécurité juridique et de traduire dans le langage du droit les décisions et les politiques publiques.
Par ses avis, le Conseil d'Etat éclairera le gouvernement sur la portée de ses textes et les difficultés juridiques qu'il rencontre dans la conduite de sa politique. Même si les avis du Conseil d'Etat ne sauraient lier le gouvernement, il n'en reste pas moins que c'est là une source d'influence incontestable sur la production normative. Les conseils émanant d'un corps juridictionnel sont de fait, revêtus d'une force qui pèse lourd.
Par sa double fonction, contentieuse et consultative, le Conseil d'Etat assurera mieux la soumission de l'administration au droit.
De même, les tribunaux administratifs et les Cours administratives d'appel auront également la possibilité d'interroger le Conseil d'Etat lorsqu'une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse, se posera à eux. C'est là un mécanisme qui contribue à la cohérence de la jurisprudence administrative.
- sur les recours en interprétation et en appréciation de la légalité des actes dont le contentieux relève de sa compétence ;
- sur le contentieux des élections des organes des collectivités territoriales et des élections à caractère administratif ».
À l'analyse de ce texte, il convient de noter que le Conseil d'Etat dispose trois catégories de compétences.
D'abord il est juge de cassation en ce sens qu'il a compétence pour statuer sur les décisions rendues en premier et /ou dernier ressort par les tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel ainsi que celles des instances disciplinaires et les ordres des organismes professionnels. Ces décisions peuvent donc à travers cette compétence du Conseil d'Etat, être annulées et remettre les parties en l'état où elles se trouvaient auparavant.
Ensuite, le Conseil d'Etat est juge des élections, c'est-à-dire du contentieux électoral local et administratif. Il s'agit des litiges qui naissent lors de la désignation des organes délibérants des communes ou des régions dans le cadre de la décentralisation territoriale ou encore de certaines autorités administratives dans celui de la décentralisation technique ou par service.
En agissant ainsi, le Conseil d'Etat, a une compétence de droit commun pour connaître d'un recours portant sur l'élection d'une autorité devant assurer l'exercice d'une puissance publique, notamment une autorité administrative spéciale.
Enfin le Conseil d'Etat à une compétence exclusive pour connaître des recours pour excès de pouvoir formés contre les décisions des autorités administratives. En la matière, donc, le Conseil d'Etat a une compétence exclusive. Aucune autre juridiction ne peut connaître des décisions des autorités administratives.
Cette exclusivité conférée au Conseil d'Etat qui révèle ainsi sa fonction naturelle de juge principal de l'administration, fait de lui, le lieu par excellence de la justice administrative, le lieu de la protection des libertés contre les intrusions excessives, les dérives de l'autorité administrative, le lieu du contrôle de la légalité des actes des autorités administratives, de la soumission effective de l'administration au droit, enfin le lieu de la garantie de l'intérêt général, de l'intérêt public.
C'est en cela que note Gaston JEZE, le recours pour excès de pouvoir est « l'arme la plus efficace, la plus économique et la plus pratique qui existe au monde pour défendre les libertés individuelles ».
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