Comment rédiger des conclusions ? (Droit ivoirien) - Ivoire-Juriste
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Comment rédiger des conclusions ? (Droit ivoirien)
Comment rédiger des conclusions  (Droit ivoirien)

Vous êtes en plein procès ? L'avocat adverse vous a envoyé ses 'conclusions' ? Comprenez ce que c'est, pourquoi le délai de réponse est vital et ce que signifie le 'Par Ces Motifs'. 

Conclusions en Justice (Côte d'Ivoire) : Le Guide Pratique de la Rédaction, du Dépôt et des Délais.

Les conclusions : c’est quoi ?

Les conclusions désignent les échanges écrits qui interviennent entre les parties ou leurs représentants (notamment les avocats) à l'occasion d'une procédure en justice. Il s’agit du contenant – le document papier ou sous format électronique – mais aussi du contenu – le texte rédigé exposant les prétentions et les moyens de la partie.

Elles peuvent être rédigées par la partie elle-même ou son mandataire (avocat, conjoint, parent, etc., selon les conditions de l'article 20 du CPCA).

Le rôle procédural : la Mise en État

Les conclusions sont le cœur de la phase de "mise en état" du procès. C'est à ce moment que les parties s'échangent leurs arguments pour que l'affaire soit "en état d'être jugée".

Le calendrier des échanges :

C’est le Tribunal (via le Président ou le juge de la mise en état) qui fixe le calendrier des échanges. Il "impartir des délais utiles... au dépôt de conclusions".

La sanction des délais :

Le respect de ce calendrier est impératif. Les conclusions ou pièces déposées hors délai sont déclarées irrecevables d'office par le Tribunal.

La clôture des débats :

L'échange se termine lorsque le juge rend une "ordonnance de clôture". Après cette ordonnance, "aucune conclusion... ne pourront être déposées", sauf si elles concernent un fait nouveau ou si elles visent un désistement.

Pratique de la rédaction des conclusions : Mécanismes et bonnes pratiques

1. Le Fond : Stylistique et Syllogisme Juridique

En principe, pour rédiger des conclusions, il faut respecter la stylistique juridique (les traditionnels "Attendu que...", "Plaise au Tribunal...", etc.).

Sur le fond, l'argumentation doit suivre le syllogisme juridique :

1. La Majeure : La règle de droit applicable (Ex: "Attendu qu'aux termes de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites." ).

2. La Mineure : Les faits de l'espèce (Ex: "Attendu qu'en l'espèce, les parties ont signé un contrat de vente le...").

3. La Conclusion : L'application de la règle aux faits (Ex: "Attendu qu'il convient dès lors de condamner la partie défaillante à exécuter ses obligations...").

2- L'échange des conclusions

L'article original décrit parfaitement le flux habituel :

- L'Assignation : L'acte initial du demandeur.

- Les Conclusions Principales : C'est la première réponse du défendeur à l’assignation.

- Les Conclusions en Réplique : C'est la réponse du demandeur aux conclusions du défendeur.

- Les Conclusions en Réponse (ou "en duplique") : C'est la réponse du défendeur à la réplique.

Si le défendeur ne comparaît pas ou ne conclut pas, il s'expose à un jugement par défaut ou à un jugement contradictoire (s'il a été touché à personne par exemple), et il sera statué au vu des seuls éléments du demandeur.

3- Les Exceptions de procédure

Si le défendeur veut soulever une irrégularité (ex: incompétence du tribunal, nullité de l'assignation, défaut de communication de pièces), il doit le faire "avant toute défense au fond". Toutes les exceptions doivent être présentées simultanément dans les mêmes conclusions, sous peine d'irrecevabilité.
Exemple : L'exception de communication de pièces est prévue à l'article 120 du CPCA.

4- Terminologie spécifique

Réquisitions : Lorsque le Ministère Public (le Parquet) intervient dans une affaire civile (ce qui est obligatoire pour les litiges fonciers, l'état des personnes, etc. ), ses écritures ne sont pas des conclusions mais des "réquisitions". Les avocats peuvent y répondre par des "observations".

Appel : L'acte d'appel doit être motivé. Les parties doivent ensuite déposer leurs "conclusions" formelles dans un délai de deux mois. La pratique de l' "acte d’appel valant première conclusion" est une optimisation de cette exigence.

Cassation : Devant la Cour de Cassation, on ne parle plus de conclusions mais de "mémoire" (mémoire ampliatif, mémoire en réponse).

5- La structure formelle

Titre : "CONCLUSIONS EN RÉPLIQUE", "CONCLUSIONS PRINCIPALES", etc.
Parties : Préciser "POUR" (votre client) et "CONTRE" (l'adversaire). Mentionnez les avocats constitués ("Ayant pour Conseil..."). Si la partie se défend seule, on écrit « en personne ».
Formule d'adresse : "PLAISE AU TRIBUNAL", "PLAISE À LA COUR" (Cour d'Appel), ou "PLAISE À LA HAUTE COUR" (Cour de Cassation / CCJA).
Corps :

1. Rappel des faits et de la procédure ("Genèse de l’affaire").

2. Discussion / Moyens : Le cœur de l'argumentation (le syllogisme), souvent divisé en "En la forme" (recevabilité, exceptions) et "Au fond" (le bien-fondé de la demande).

3. Dispositif ("PAR CES MOTIFS") : C'est la partie la plus importante. Elle reprend précisément tout ce que vous demandez au juge. Le juge ne peut statuer que sur ce qui est demandé ; s'il oublie un point (omission de statuer), il commet une erreur.


MODÈLE DE CONCLUSIONS (Annoté avec les fondements juridiques)

POUR / Monsieur Y Demandeur ………………………………………… Ayant pour Conseil la SCPA XXX

(Réf. Art. 20, 22 CPCA )

CONTRE/ ENTREPRISES Z Défenderesse………………………………………………. Ayant pour Conseil la SCPA XXX

PLAISE AU TRIBUNAL DE COMMERCE

ATTENDU que par acte d’assignation en date du 27 novembre 2019, Monsieur X citait la société Y ENTREPRISES à comparaitre... pour la voir condamner à lui restituer la somme de 5 075 000 FCFA, en plus de 2 000 000 de francs à titre de dommages et intérêts...

ATTENDU qu’au regard des faits de la cause (I) le tribunal déclarera l’action de Monsieur X bien fondée (II).

I/ LES FAITS

ATTENDU que le 26 juillet 2016, Monsieur X souscrivait au produit ECOBANK... (Rappel des faits et de la procédure) [...] ATTENDU que jusqu’à ce jour, aucune diligence n’a été menée à l’effet de tenir informé Monsieur X de l’état de sa souscription.

II/ SUR LE BIEN-FONDÉ DE L'ACTION DE MONSIEUR X

1. Sur l’exception de communication de pièces soulevée par le défendeur

(Réf. Art. 120 CPCA et Art. 125 CPCA sur l'ordre de présentation des moyens)

ATTENDU que dans ses conclusions du 11 décembre 2019, le défendeur soulevait une exception tirée du défaut de communication de pièces. [...] ATTENDU que cet acte a été visé par la société Y ENTREPRISES. ATTENDU que dès lors, le tribunal dira ce moyen non fondé.

2. Sur le bien-fondé de l’action de Monsieur X

2-1 Sur la restitution du montant de la souscription (Résiliation)

ATTENDU que le demandeur sollicite par les présentes la résiliation du contrat... et la restitution du montant de la souscription...

(Début du syllogisme)

(Majeure - Règle de droit) ATTENDU que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à celles qui les ont formées (Art. 1134 C. Civil). ATTENDU qu'en vertu de l'article 1184 du Code Civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement.

(Mineure - Faits de l'espèce) ATTENDU qu’aux termes de l’article 6 du règlement général [du marché financier]... les intervenants commerciaux doivent : "s’attacher à fournir à leurs clients une information sincère, exacte...". ATTENDU qu’il est cependant constant de noter que nonobstant les diligences effectuées par Monsieur X, la Y ENTREPRISES ne s’est pas inquiétée de lui fournir des informations... ATTENDU qu’en se comportant ainsi, la société Y ENTREPRISES a violé ses obligations contractuelles.

(Conclusion du syllogisme) ATTENDU qu’en ne respectant pas les obligations à sa charge, la défenderesse viole la convention... Que dès lors, le tribunal prononcera la résiliation de ladite convention et ordonnera la restitution du montant de la souscription...

2-2 Sur le paiement des dommages et intérêts

(Majeure - Règle de droit) ATTENDU que pour établir la responsabilité civile contractuelle, la loi exige trois conditions cumulatives que sont la faute, le préjudice et le lien de causalité. ATTENDU que l'article 1142 du Code Civil dispose que "Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur.". ATTENDU que l'article 1149 du Code Civil précise que ces dommages et intérêts couvrent "la perte qu'il a faite et [...] du gain dont il a été privé".

(Mineure - Faits de l'espèce) ATTENDU qu’il est constant que la société Y ENTREPRISES n’a pas exécuté les obligations contractuelles à sa charge... Que le non-respect de ses dites obligations constituent une faute. ATTENDU que Monsieur X... s’attendait à un gain financier. Que le fait pour l’Y ENTREPRISES de ne pas honorer ses obligations a eu pour effet de causer un préjudice financier (perte d'une chance de gain) au sieur X qu’il convient de réparer.

(Conclusion du syllogisme) ATTENDU que dès lors, pour réparer le préjudice financier subi, le tribunal condamnera la Société Y ENTREPRISES à payer la somme de 2 000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts.


PAR CES MOTIFS

(Dispositif reprenant toutes les demandes)

En la forme Déclarer la présente action recevable

Au fond Ordonner la résiliation de la convention liant Monsieur X à la société Y ENTREPRISES ; Condamner la société Y ENTREPRISES à restituer la somme de 5 075 000 FCFA... Condamner la défenderesse à payer à Monsieur X la somme de 2 000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts ; Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir et ce, nonobstant toute voie de recours (Réf. Art. 145 ou 146 CPCA) ; Condamner la société Y ENTREPRISES aux entiers dépens (Réf. Art. 149 CPCA) dont distraction au profit de la SCPA XXX, Avocats à la cour aux offres de droit (Réf. Art. 152 CPCA).

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