Le 17 octobre 2023, à KINSASHA en République Démocratique du CONGO, le Conseil des Ministres de l’OHADA, à la faveur de sa 56ème Session, a adopté un nouvel Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en remplacement de celui adopté le 10 avril 1998 à LIBREVILLE au GABON.
Ce nouvel Acte uniforme a été publié au Journal Officiel de l’OHADA le 15 novembre 2023. Ce nouvel Acte uniforme a opéré une refonte partielle concernant les délais d’accomplissement des actes, en abandonnant le principe de la franchise générale des délais, pour ne conserver cette règle que pour les délais exprimés en jours.
Il précise également, de manière très détaillée, les modalités de computation des différents délais, qu’ils soient exprimés en années, en mois ou en jours.
Ainsi, ce nouvel AUPSRVE, relativement aux délais d’accomplissement des actes, se distingue nettement de l’ancien, par les détails apportés sur les points de départ et d’expiration des délais, en ayant pris soin de faire remarquer que pour les délais exprimés en jour, il n’est pris en compte dans leur décompte, ni le dies a quo ni le dies ad quem.
S’agissant des délais exprimés en années et en mois, le nouvel Acte uniforme retient, sans hésitation, qu’ils ne sont pas francs, de sorte qu’ils sont décomptés de quantième à quantième.
Le législateur communautaire, dans ce nouvel Acte uniforme, s’est prononcé sur le sort du délai lorsque celui-ci expire un jour non ouvrable. Il n’a pas omis la situation des mois qui n’ont pas de quantièmes identiques. De telles précisions apportées par le législateur communautaire sur les délais d’accomplissement des actes, facilitent l’œuvre d’interprétation des juridictions.
Mieux, ces délais plus précis sont de nature à sauvegarder les droits des parties, en ce qu’ils impriment une célérité aux différentes procédures, assurent la prévisibilité dans les procédures et réduisent les obstacles procéduraux.
Alors que cela fera bientôt deux années que ce nouvel Acte uniforme est entré en vigueur, il semble être méconnu par les acteurs judiciaires, dans son aspect concernant le nouveau régime des délais y contenus. Si certains continuent de clamer, dans le cadre de procédures judiciaires, la franchise de tous les délais, d’autres, qui n’ignorent pas que cette règle a été en partie abandonnée, éprouvent cependant des difficultés dans la computation des délais. Ainsi, cette contribution doctrinale, sans prétention aucune, vient tenter de lever un coin de voile sur le nouveau régime des délais dans l’AUPSRVE.
Les principales abréviations
Art. : article
Arts. : Articles
AUPSRVE : Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
CCJA : Cour Commune de Justice et d'Arbitrage
OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
En droit processuel, le délai peut se définir comme l’intervalle de temps dans lequel doit être accompli un acte, exercé une action ou un droit, sous peine, selon les cas, de forclusion, de prescription ou de déchéance. En pratique, le délai est exprimé en jours, en mois, en années, ou même, dans certains cas, en heures. Son expiration dépend de son point de départ et des modalités de sa computation.
Évoquant la question des délais, l’article 335 de l’ancien Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE), adopté le 10 avril 1998 à LIBREVILLE au GABON, paru au Journal Officiel OHADA n°6 du 1er juillet 1998, et entré en vigueur dans les dix (17) États de l’espace OHADA, disposait que « Les délais prévus dans le présent Acte uniforme sont des délais francs. ».
À travers cette disposition, le législateur communautaire affirmait expressément, et sans ambages, le caractère franc de tous les délais contenus dans l’Acte uniforme précité.
Il en était ainsi, à titre d’illustration, du délai de trois mois pour signifier la décision portant injonction de payer sous peine de caducité, du délai de quinze jours pour former opposition contre la décision d’injonction de payer, du délai de trois mois pour pratiquer la saisie conservatoire à compter de l’autorisation donnée par la juridiction compétente, du délai de huit jours pour dénoncer la saisie attribution de créance4, du délai d’un mois, à compter de la dénonciation, pour élever une contestation contre une saisie attribution de créances, etc.
Dans leur œuvre d’interprétation, face aux incertitudes des différents acteurs dans la computation du délai franc en matière de voies d’exécution, les juridictions nationales des États parties au Traité OHADA, sous le contrôle de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), ont précisé ce qu’il faillait entendre par délai franc.
C’est ainsi que dans différentes décisions, ces juridictions ont jugé que « Il ressort de l’analyse combinée des dispositions des articles 10 et 335 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, que le délai de quinze jours imparti pour faire opposition à une ordonnance d’injonction de payer est un délai franc. En matière de computation de délai franc, on ne doit prendre en compte ni le premier jour (dies ad quo), ni le dernier jour (dies ad quem).
Enfin, si le dernier jour est un jour férié, le terme du délai est reporté au lendemain à minuit. » , « Selon l'article 10 AUPSRVE l'opposition doit être formée dans les 15 jours qui suivent la signification de la décision portant injonction de payer.
L'article 335 de l'acte précité précise que : « les délais prévus dans le présent code sont des délais francs ». Le délai est dit franc lorsque la formalité peut n'être accomplie que le lendemain du jour de l'expiration du délai. » ; « Il est de principe, d'une part, que lorsqu'un délai est exprimé en mois, il expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'évènement, de la décision ou de la signification qui fait courir ce délai et, d'autre part, que le délai franc est celui dans le décompte duquel sont exclus le dies a quo (premier jour) et le dies ad quem (dernier jour).
En l'espèce, la date d'expiration du délai franc d'un mois pour élever contestation suite à une dénonciation de saisie-attribution faite par acte d'huissier le 21 décembre 2006 est le 23 janvier 2007. Ainsi, en indiquant dans son exploit de dénonciation de saisie-attribution servi le 21 décembre 2006, que le délai d'un mois franc pour élever contestation expirait le 22 janvier 2007 au lieu du 23 janvier 2007, l'huissier instrumentaire, agissant à la requête de Maître KATTIE, a erré dans l'interprétation et l'application des articles de l'Acte uniforme visés au moyen.
Il s'ensuit qu'en considérant dans son arrêt attaqué que, l'huissier instrumentaire a fait une juste computation en indiquant la date du 22 janvier 2007 sur l'exploit de dénonciation comme date d'expiration du délai de contestation, la Cour d'Appel d'Abidjan a violé les textes visés au moyen et exposé son arrêt à la cassation.
Il échet de casser ledit arrêt de ce chef »8 ; « En application de l’article 335 précité, il est de principe, d’une part, que lorsqu’un délai est exprimé en mois, il expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte qui fait courir ce délai et, d’autre part, que le délai franc est celui dans le décompte duquel sont exclus le dies a quo (le dernier jour) et le dies ad quiem (dernier jour) » Ainsi, pendant plusieurs années, c’est cette interprétation qui a prévalu.
Après un quart de siècle d’application, le Conseil des Ministres de l’OHADA, conscient des insuffisances et imprécisions de l’AUPSRVE du 10 avril 1998, sur certains aspects, et désireux de prendre en compte les réalités nouvelles et les mutations survenues dans les États parties au Traité OHADA, a adopté le 17 octobre 2023, à KINSASHA en République démocratique du Congo, lors de sa 56ème Session, un nouvel Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Publié au Journal officiel de l'OHADA, le 15 novembre 2023, ce nouvel Acte uniforme est entré en vigueur le 16 février 2024, soit 90 jours après ladite publication.
L’article 337 de ce nouvel Acte uniforme dispose que ledit Acte abroge et remplace l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution du 10 avril 1998.
Sans opérer une refonte totale en matière de délais d’accomplissement des actes, ce nouvel Acte uniforme contient néanmoins certaines spécificités en la matière.
En effet, si par le passé, ce n’était que l’article 335 de l’AUPSRVE du 10 avril 1998, qui traitait des délais, désormais c’est tout le Paragraphe 2 de la Section 3 du Chapitre préliminaire du nouvel Acte uniforme qui a été consacré aux délais. Intitulé « Les délais », ce paragraphe comprend les articles 1-13 à 1-15, et précise le régime des délais dans lesquels doivent être accomplis les actes intervenant dans le cadre des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
La lecture du paragraphe consacré aux délais démontre, expressément, la volonté du législateur communautaire, contrairement à ce qui a prévalu avec l’ancien AUPSRVE, d’être suffisamment précis sur les délais d’accomplissement des actes, en ayant pris soin d’indiquer dans les articles précités, entre autres, le point de départ des différents délais, le mode de computation desdits délais et le moment de leur d’expiration, le tout en distinguant les délais exprimés en jours de ceux exprimés en mois et en années.
Ainsi, une analyse générale et complète du nouvel AUPSRVE, en ses articles consacrés aux délais, permet de faire un premier constat, celui de la consécration de l’abandon par le législateur communautaire, du principe de la franchise générale des délais (I). Le second constat, qui est tout aussi évident, résulte de ce que contrairement à l’ancien AUPSRVE, le nouveau est plus précis et détaillé sur les modalités de computation des délais d’accomplissement des actes en matière de procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution (II).
I. DE L’ABANDON DU PRINCIPE DE LA FRANCHISE DE TOUS LES DÉLAIS
Dans le nouvel AUPSRVE, le législateur communautaire a abandonné le principe de la franchise de tous les délais prévus à l’article 335 de l’ancien Acte uniforme. Cet abandon semble trouver sa motivation dans certaines raisons (A). Néanmoins, la lecture de l’alinéa 1er de l’article 1-14 du nouvel AUPSRVE laisse apparaitre que le législateur communautaire a laissé subsister, en partie, la règle de la franchise pour délais exprimés en jours (B).
A. Les motifs de l’abandon de la règle générale de la franchise des délais
Plusieurs motifs semblent sous-tendre l'abandon, par le nouvel AUPSRVE, du principe général de la franchise de tous les délais prévus par l’ancien Acte uniforme. Il s’agit en résumé, et principalement, de la volonté du législateur communautaire de simplifier et accélérer les procédures, de renforcer la sécurité juridique et d'améliorer notamment l'efficacité dans le recouvrement des créances.
En effet, l'abandon de la franchise des délais a pour but, tout d’abord, de réduire les délais des différentes procédures. Cette réduction permet, à terme, aux créanciers de recouvrer leurs créances avec célérité, ce, d’autant que la franchise des délais, rajoute, parfois inutilement des jours aux délais d’accomplissement des actes.
Ainsi, pour un délai d’un mois pour accomplir un acte, le créancier pouvait, par le passé, se retrouver à attendre parfois plus de trente-deux jours, dans la mesure où en application de l’article 335 de l’ancien AUPSRVE, ni le dies a quo ni le dies ad quem n’étaient pris en compte dans la computation du délai d’un mois, et ce, sans compter l’incidence des jours non ouvrables.
Ensuite, l’abandon du principe de la franchise de tous les délais par le nouvel AUPSRVE tend, certainement, à assurer la prévisibilité dans les procédures, en les rendant moins sujettes à des contestations fondées sur des irrégularités de forme.
Par le passé, la complexité de la computation des délais francs aboutissait souventes fois à l’indication de dates parfois erronées dans les actes, toute chose qui équivalait, selon la jurisprudence de la CCJA, à une absence de date, ce qui conduisait à l’annulation de certains actes, notamment les actes de dénonciation de saisies attribution de créance11 et les actes de conversion de saisies conservatoires.
En outre, l’intérêt de l’abandon par le législateur communautaire de la franchise de tous les délais semble être de rendre le recouvrement des créances plus efficace, en réduisant les obstacles procéduraux et en permettant aux créanciers de faire valoir leurs droits plus rapidement.
Enfin, la pratique a démontré un non-respect général des délais de franchise, lesquels délais étaient utilisés à des fins dilatoires.
Ainsi, sont sommairement exposés les motifs qui semblent avoir justifié la volonté du législateur communautaire d’abandonner le principe de la franchise de tous les délais impartis pour l’accomplissement des actes, pour ne maintenir cette règle, seulement, que pour les délais exprimés en jours.
B. Le maintien du principe de la franchise uniquement pour les délais exprimés en jours
La CCJA, sous l’empire de l’ancien AUPSRVE, et fondement pris de l’article 335 dudit Acte uniforme, a constamment rappelé le caractère franc des délais d’accomplissement des actes, tout en prenant soin de préciser que pour la computation de tels délais, il n’était pris en compte ni le dies a quo encore moins le dies ad quem. Ainsi, pour le décompte d’un délai franc, il n’est pris en compte ni la date de la décision ni le jour de l’échéance, ce délai courant à compter du lendemain du jour de la décision.
Il s’ensuit que le délai franc, en dehors de toute affirmation expressément faite par le législateur communautaire, découle principalement de son mode de computation12.
A ce titre, l’alinéa 1er de l’article 1-14 du nouvel AUPSRVE dispose que « Lorsqu’un délai est exprimé en jours, le jour qui en constitue le point de départ et celui de l’échéance ne sont pas pris en compte dans la computation ». Ainsi, sans le proclamer expressément, le législateur communautaire, à travers l’alinéa susvisé, a maintenu, dans le nouvel Acte uniforme, la franchise des délais pour les délais exprimés en jours.
Cela se traduit par le fait que pour la computation des délais exprimés en jours, prévus par le nouvel AUPSRVE, il n’est pris en compte ni le premier jour de l’acte (dies a quo) ni le dernier jour (dies ad quem). A titre d’illustration, le délai de trois jours imparti au Juge pour rendre l’ordonnance d’injonction de payer13, pour une requête reçue le 04 août 2025, expire le 08 août 2025, en ce que le 04 août, date de réception de la requête, et le 07 août dernier jour, sont exclus du décompte.
En dehors des délais exprimés en jours, et contrairement à ce qui prévalait sous l’empire de l’ancien AUPSRVE, les autres délais d’accomplissement des actes ne sont pas francs.
En pratique, les autres délais sont exprimés en mois, en années et parfois en mois et jours. Pour ces délais, le législateur communautaire n’a pas opté pour la franchise des délais. En effet, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 1-14 du nouvel AUPSRVE « Lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, il expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'évènement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ; à défaut de quantième identique, il expire le dernier jour du mois ».
Lorsqu’un délai est exprimé en mois et en jours, les mois sont d’abord décomptés, puis les jours. Même pour les délais hybrides, comprenant des mois et des jours, la franchise n’est pas de principe, ce, d’autant que les mois, qui sont d’abord décomptés, le sont de quantième en quantième, et ce n’est qu’après que les délais en jours sont décomptés, avec franchise.
L’une des particularités du nouvel AUPSRVE, ce qui est d’ailleurs à saluer, réside dans les précisions apportées par le législateur communautaire sur les modalités de computation des délais dans lesquels sont enfermé l’accomplissement des actes en matière de procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution.
II. DES MODALITÉS DE COMPUTATION SUFFISAMMENT PRÉCISES
Les nombreuses années d’application de l’ancien AUPSRVE ont démontré le caractère laconique de l’article 335 dudit Acte uniforme, qui disposait que « Les délais prévus dans le présent Acte uniforme sont des délais francs. ». En effet, cet article se bornait à énoncer la règle de la franchise des délais, sans toutefois préciser les modalités de décompte de ces délais. Ainsi, ni le point de départ encore moins le moment de leur expiration n’étaient précisés. C’est la jurisprudence, notamment celle de la CCJA, qui est venue pallier cette insuffisance, qui était parfois préjudiciable aux parties14. Relativement aux délais, le nouvel AUPSRVE a du mérite en ce qu’à la lecture des articles 1-13 à 1-15, l’on peut aisément déterminer le point de départ des délais (A), ainsi que le moment de leur expiration (B).
A. Le point de départ des délais
Le législateur communautaire, à travers l’article 1-13 du nouvel AUPSRVE a posé un postulat général sur le point de départ de la computation des délais d’accomplissement des actes et procédures pouvant intervenir en matière de voies d’exécution. Aux termes de cet article « Lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, celui-ci court du jour de l'acte, de la décision, de la notification, de la signification ou de l'évènement qui en constitue le point de départ. »
Ainsi, à travers ce texte, qui s’inspire en partie de l’article 25 du Règlement de procédure de la CCJA, le législateur communautaire fixe le point de départ des délais au jour de l’acte, de la décision, de la notification ou de la signification. A titre d’illustration, le délai de huit jours pour dénoncer la saisie attribution de créance court à compter du jour où la saisie est pratiquée, telle que cela ressort de la date mentionnée sur le procès-verbal de saisie ou de la date à laquelle le tiers saisi, notamment la banque, a fait sa déclaration. Le délai de trois jours imparti à la juridiction compétente pour rendre l’ordonnance d’injonction de payer15 court du jour du dépôt de la requête, même si ce délai, contrairement à la plupart des autres délais, n’est assorti d’aucune sanction16. Si le débiteur a personnellement reçu signification de l’ordonnance d‘injonction de payer, le délai pour former opposition court du jour de ladite signification.
Indépendamment du postulat général posé par le législateur communautaire à l’article 1-13 précité, qui est en réalité applicable pour les délais exprimés en mois et en années, il convient de relever que la computation des délais exprimés en jours recèle une certaine spécificité.
En effet, aux termes de l’alinéa 1er de l’article 1-14 du nouvel Acte uniforme « Lorsqu’un délai est exprimé en jours, le jour qui en constitue le point de départ et celui de l’échéance ne sont pas pris en compte dans la computation ». Il résulte de cet article qu’en réalité, pour les délais exprimés en jours, ceux-ci ne courent pas « du jour de l'acte, de la décision, de la notification, de la signification ou de l'évènement qui en constitue le point de départ. » Les délais exprimés en jours étant francs, contrairement à ceux exprimés en mois ou en années, leur décompte ne prend pas en compte le dies a quo, c’est-à-dire, selon les cas, le jour de l'acte, de la décision, de la notification, de la signification ou de l'évènement qui en constitue le point de départ. À titre d’exemple, il ressort de l’article 160 du nouvel AUPSRVE qu’à peine de caducité, le créancier saisissant a un délai de huit jours pour dénoncer la saisie attribution de créances. Ainsi, pour une saisie attribution pratiquée le 19 août 2025, le délai de huit jours, qui est franc, court à compter du 20 août 2025, le 19 août qui est le dies a quo, ne devant pas être pris en compte dans la computation. Le délai de quinze jours pour contester la conversion d’une saisie conservatoire en saisie attribution, lorsque le copie de l’acte de conversion est signifiée au débiteur saisi, le 02 juillet 2025, commence à courir le 03 juillet 2025. Lorsqu'une décision rendue le 26 novembre doit faire l'objet d'un recours dans le délai de 15 jours, le jour de l'acte (26 novembre) ne se compte pas ; le point de départ du délai est le 27 novembre ; ainsi, les quinze jours utiles pour former le recours sont : 27/11, 28/11, 29/11, 30/11, 01/12, 02/12, 03/12, 04/12, 05/12, 06/12, 07/12, 08/12, 09/12, 10/12, 11/12 ; le dernier jour du délai ou dies ad quem (11/12) ne se compte pas ; le délai expire donc le 12/1217.
Même si l’ancien et le nouvel AUPSRVE ne l’ont évoqué, une analyse a contrario du dernier alinéa de l’article 1-15 du nouvel AUPSRVE laisse penser que lorsque le jour après le dies a quo est un jour non ouvrable ou férié, cela importe peu et doit être pris en compte dans le décompte du délai. En effet, l’article précité dispose en son alinéa 2 que « Lorsque le délai expire en dehors des jours ouvrables, l'acte ou la formalité peut être accompli le premier jour ouvrable suivant. ». À travers cet alinéa, le législateur communautaire s’est clairement prononcé sur le sort des délais qui expirent un jour non ouvrable. Pour ces délais, qui expirent soit le samedi soit le dimanche ou un jour férié, leur terme est reconduit au premier jour ouvrable. Qu’en est-il lorsque le jour après le dies a quo est non ouvrable ? Le législateur ne s’étant pas expressément prononcé sur une telle situation, il en résulte que dans ce cas, le jour non ouvrable est pris en compte dans la computation, aucune distinction n’étant admise là où la loi elle-même n’a pas jugé utile de distinguer.
Selon les alinéas 2 et 3 de l’article 1-14 du nouvel AUPSRVE « Lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, il expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'évènement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ; à défaut de quantième identique, il expire le dernier jour du mois.
Lorsqu'un délai est exprimé en mois et en jours, les mois sont d'abord décomptés, puis les jours. »
Il ressort des alinéas précités que les délais exprimés en mois et en années n’étant pas francs, ils sont décomptés de quantième à quantième, ce qui induit que leur point de départ comprend le dies a quo. Ainsi, le délai d’un mois pour élever une contestation contre une saisie attribution de créance dénoncée le 19 juillet 2025, court non pas le 20 juillet, mais le 19 juillet 2025. C’est dans cette même veine qu’un délai d’une année va courir à partir du 02 février lorsque l’acte ou l’événement qui en constitue le point de départ a été accompli ou est survenu à cette date.
Pour les délais exprimés en mois et en jours, les mois, qui par essence ne sont pas concernés par la franchise, sont d’abord décomptés, et ensuite les jours, qui doivent être comptés sans tenir compte du dies a quo.
Si le sort des délais exprimés en jours, en mois et en années a été tranché par le législateur communautaire, s’agissant de leur point de départ, il en est différemment des délais exprimés en semaines. Pour ces délais, le législateur est resté muet relativement à leur computation. Or, de tels délais exprimés en semaines sont parfois envisagés par le législateur, notamment à l’article 147 du nouvel AUPSRVE, qui dispose que « Les récoltes et fruits proches de la maturité peuvent être saisis avant d'être séparés du sol. La saisie n'est ouverte qu'au créancier de celui qui a droit aux fruits. Elle ne pourra être faite, à peine de nullité, plus de six semaines avant l'époque habituelle de maturité. » Ce délai exprimé en semaines, quelles sont les modalités de sa computation ? Est-il franc ou doit-il être décompté comme le délai en mois ou en années, c’est-à-dire de quantième à quantième ? Traditionnellement, le quantième désigne le numéro du jour dans le mois. C’est le cas par exemple du 20 janvier, qui est le quantième du 20 du mois. Or, il est unanimement admis que les semaines n’ont pas de quantièmes. Il en résulte qu’il serait difficile de computer les délais exprimés en semaines de quantième à quantième, toute chose qui permet de retenir, aisément, que la computation des délais exprimés en semaines devrait se faire comme pour ceux exprimés en jours, c’est-à-dire en ne tenant compte ni du dies a quo ni du dies ad quem.
Il convient, au total, de retenir que le législateur communautaire, dans le nouvel AUPSRVE a pris soin de préciser, dans les détails, le régime juridique des délais d’accomplissement des actes, s’agissant notamment du point de départ desdits délais. Il en a fait de même s’agit de leur point d’expiration.
B. Le point d’expiration des délais
Le principe, en ce qui concerne le point d’expiration des délais d’accomplissement des actes a été clairement fixé par le nouvel AUPSRVE, à son article 1-15 alinéa 1er qui dispose que « Tout délai expire le dernier jour à minuit. »
Ainsi, contrairement à l’article 335 de l’ancien AUPSRVE, qui se bornait à énoncer le principe de la franchise des délais, sans indiquer, ni le point de départ ni celui d’expiration, l’article précité a fixé la date d’expiration des délais d’accomplissement des actes au dernier jour, et plus précisément à minuit de ce dernier jour.
Cependant, comment détermine-t-on ce dernier jour du délai ? En effet, si la détermination de l’heure d’expiration du délai, à savoir minuit, relève d’une simple appréciation matérielle, il peut en être différemment du jour. En effet, pour déterminer le dernier jour d’un délai, il faut rechercher si ce délai est exprimé en années, en mois ou en jours.
Selon l’alinéa 1er de l’article 1-14 du nouvel AUPSRVE « Lorsqu’un délai est exprimé en jours, le jour qui en constitue le point de départ et celui de l’échéance ne sont pas pris en compte dans la computation ». Ainsi, pour un délai exprimé en jours, le dernier jour est celui qui vient après le dies ad quem. À titre d’exemple, pour une saisie attribution de créance pratiquée le 1er juillet 2025, le délai de huit jours pour dénoncer ladite saisie expire le 10 juillet 2025 à vingt-quatre heures, ce qui induit que le 1er juillet (le dies a quo) et 09 juillet (le dies ad quem), ne sont pas pris en compte dans le décompte.
En outre, l’alinéa 2 de l’article précité dispose que « Lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, il expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'évènement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ; à défaut de quantième identique, il expire le dernier jour du mois. ». Les délais exprimés en mois, comme cela a été plus haut rappelé, ne sont pas francs. Ils sont décomptés de quantième à quantième. Ainsi, le délai d’un mois pour accomplir un acte expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième. À titre d’exemple, le délai d’un moins pour élever les contestations contre une saisie attribution de créance dénoncée le 1er juillet 2025 expire le 1er août 2025, à minuit. Ce mode de computation des délais en mois vaut également pour les délais exprimés en années.
Relativement aux délais exprimés en mois, le législateur communautaire s’est même prémuni d’éventuels désagréments lorsque des mois n’ont pas un quantième identique. Dans une telle hypothèse, le délai « expire le dernier jour du mois ». À titre d’exemple, le délai d’un mois, pour un acte accompli le 31 janvier expirera, selon la nature bissextile ou non d’une année, soit le 28 soit le 29 du mois de février, étant entendu que le mois de février n’a pas un quantième de 31.
L’alinéa 3 de l’article 1-14 dispose pour sa part que « Lorsqu'un délai est exprimé en mois et en jours, les mois sont d'abord décomptés, puis les jours. » A titre d’illustration, pour un délai d’un mois et quinze jours à compter d’une signification faite le 02 juin 2025, il expire le 18 juillet 2025. En effet, le délai d’un mois, qui se décompte de quantième à quantième, expire 02 juillet 2025. Quant au délai de quinze jours, qui est franc, sa computation commence le 03 juillet 2025 avec un dies ad quem qui tombe le 17 juillet 2025, de sorte que ledit délai expire le 18 juillet 2025.
Par ailleurs, même si la CCJA, par le passé, s’était finalement prononcée sur l’incidence des jours non ouvrables, le législateur communautaire a définitivement et sans hésitation tranché la question en indiquant à l’alinéa 2 de l’article 1-15 du nouvel Acte uniforme que « Lorsque le délai expire en dehors des jours ouvrables, l'acte ou la formalité peut être accompli le premier jour ouvrable suivant. ». Il en résulte que lorsque le dernier du jour du délai survient un jour non ouvrable, notamment un samedi, dimanche et un jour férié, le délai est prorogé au jour ouvrable le plus proche. À titre d’exemple, un délai d’un mois pour acte signifié le lundi 1er mai 2025 expire, en principe, le dimanche 1er juin 2025. Mais, cette date n’étant pas ouvrable, le délai est prorogé au lundi 02 juin 2025.
Il résulte de ce qui précède que le législateur communautaire a déterminé, dans les détails, le moment de l’expiration des délais d’accomplissement des actes, en fixant, de manière générale l’heure d’expiration desdits délais à minuit, le tout en tenant compte des spécificités que recèlent les délais exprimés en jours, ceux exprimés en mois et en années, mais aussi ceux exprimés en mois et jours.
En somme, il convient de retenir que le nouvel AUPSRVE a opéré une refonte partielle concernant les délais d’accomplissement des actes, en abandonnant le principe de la franchise générale des délais, pour ne conserver cette règle que pour les délais exprimés en jours, tout en précisant les modalités de computation de ces délais exprimés en jours, pour lesquels il n’est pris en compte ni le dies a quo ni le dies ad quem.
En dehors de ce qui précède, le nouvel AUPSRVE, sur le point des délais d’accomplissement des actes, se distingue nettement de l’ancien, par sa précision et les détails apportés sur les points de départ et d’expiration des délais, sur l’incidence des jours non ouvrables, mais aussi en cas de défaut d’identité de quantième pour les délais exprimés en mois.
De telles précisions apportées par le législateur communautaire sur les délais d’accomplissement des actes, qui sont d’ailleurs à saluer, facilitent l’œuvre d’interprétation des juridictions. Mieux, ces délais plus précis sont de nature à sauvegarder les droits des parties, en ce qu’ils impriment une célérité aux différentes procédures, assurent la prévisibilité dans les procédures et réduisent les obstacles procéduraux.
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