Rêver de vivre de sa plume en Côte d'Ivoire est une aspiration noble, mais elle s'accompagne d'une réalité que tout auteur doit affronter : la menace omniprésente du piratage et de la copie illégale.
Protéger son œuvre n'est pas une simple formalité, c'est une démarche fondamentale pour sécuriser vos droits, garantir votre reconnaissance et pérenniser les fruits de votre travail.
Savoir comment protéger efficacement votre livre en Côte d'Ivoire vous confère une armure essentielle. Cela consolide les droits d'auteur que vous détenez dès la création de votre œuvre, vous donne les moyens légaux d'agir résolument contre le piratage et la contrefaçon, maximise vos revenus légitimes en combattant le marché parallèle, et préserve l'intégrité de votre œuvre ainsi que sa valeur pour vous et vos ayants droits.
Cet article a pour objectif de vous éclairer davantage. Nous allons décrypter ensemble le droit d'auteur en Côte d'Ivoire, identifier les formes concrètes que prennent la copie et le piratage de livres, et surtout, vous offrir un guide pas à pas des démarches concrètes et des réflexes à adopter pour défendre votre création.
I. Le Paysage de la Menace : Comprendre la Copie et le Piratage
Le monde de l'édition en Côte d'Ivoire, comme ailleurs, est confronté à diverses formes d'exploitation illicite des œuvres littéraires.
1. Le piratage physique : une menace persistante
Loin d'avoir disparu avec l'ère numérique, la reproduction illégale d'exemplaires imprimés reste un défi majeur. Le piratage physique fait référence à la reproduction illégale d'un livre sous un format matériel sans l'autorisation du titulaire du droit d'auteur.
En Côte d'Ivoire, cela se manifeste couramment par la photocopie à grande échelle d'ouvrages, la contrefaçon (impression et reliure de fausses copies ressemblant aux originaux), ou encore la reproduction artisanale. Cette forme de piratage est une menace persistante qui impacte directement les revenus des auteurs, des éditeurs et des libraires légitimes.
Le simple partage informel de copies physiques, bien que souvent banalisé, constitue également une violation du droit d'auteur.
2. Le piratage numérique : une menace croissante
Avec la digitalisation, le piratage s'est déplacé en ligne.
Le piratage numérique concerne la reproduction, la distribution ou la communication au public d'un livre sous forme numérique sans l'autorisation du titulaire du droit d'auteur. Avec l'augmentation de la connectivité internet et l'utilisation des appareils numériques en Côte d'Ivoire, cette forme de piratage est devenue une menace croissante et particulièrement difficile à contrôler. Elle inclut :
• La numérisation illégale de livres (scanning) pour créer des fichiers numériques.
• Le partage de fichiers numériques de livres via des plateformes de téléchargement illégal, des réseaux pair-à-pair, les réseaux sociaux ou des services de messagerie.
• La mise à disposition de livres numériques sur des sites web ou des forums sans autorisation.
• La vente ou la distribution de copies numériques illégales sur des supports physiques (clés USB, CD, cartes SD).
Ce type de piratage prive non seulement les auteurs et les éditeurs de revenus légitimes liés à la vente de livres numériques ou physiques, mais il échappe aussi souvent aux circuits de distribution légaux.
3. La contrefaçon de livre : l'imitation trompeuse
Dans le contexte de la protection des livres en Côte d'Ivoire, la contrefaçon de livre peut être comprise comme une forme spécifique de violation du droit d'auteur qui implique l'imitation trompeuse de l'ouvrage original dans le but de le faire passer pour une édition légitime. Ce n'est pas simplement une copie, mais une reproduction non autorisée qui cherche à induire en erreur les lecteurs et les acheteurs quant à son origine et sa légalité.
La contrefaçon de livre porte atteinte aux droits exclusifs de l'auteur et de l'éditeur légitime, notamment le droit de reproduction et le droit de distribution. Elle vise à tirer profit de la popularité et de la reconnaissance d'une œuvre en offrant des copies souvent de moindre qualité, échappant aux circuits de production et de distribution légaux.
II. La protection de vos livres par le Droits d'Auteur en Côte d'Ivoire
Face à ces menaces, la loi ivoirienne vous confère des droits solides pour protéger votre création.
1. Protection dès la création : un principe fondamental
En Côte d'Ivoire, le droit d'auteur s'acquiert automatiquement, du seul fait de la création de votre œuvre (Article 11 de la Loi n° 2016-555 relative au droit d'auteur). Aucune formalité d'enregistrement, de dépôt ou de publication n'est nécessaire pour que vos droits existent. Dès que votre pensée prend forme (par l'écriture de votre livre), vous êtes titulaire des droits d'auteur.
2. Droits moraux et droits patrimoniaux : l'étendue de votre protection
Votre droit d'auteur se divise en deux composantes essentielles :
Les Droits Moraux : Liés à votre personne, ils sont perpétuels, inaliénables et imprescriptibles. Ils vous donnent le droit de décider de la première communication de votre œuvre (droit de divulgation), d'exiger que votre nom soit mentionné (droit à la paternité), de vous opposer à toute modification susceptible de vous nuire (droit au respect de l'intégrité), et sous conditions, de retirer ou modifier votre œuvre (droit de retrait ou de repentir).
Les Droits Patrimoniaux : De nature économique, ils vous confèrent le monopole d'autoriser ou d'interdire l'exploitation de votre œuvre et d'en tirer un profit. Ils incluent notamment le droit de reproduction (copier l'œuvre), le droit de représentation ou de communication au public (diffuser l'œuvre), le droit de distribution (mettre des exemplaires en circulation), et le droit d'adaptation (créer des œuvres dérivées).
3. La Durée de la protection : un héritage durable
Les droits patrimoniaux sur votre livre sont protégés en Côte d'Ivoire pendant toute votre vie, et se prolongent 70 ans après votre décès au bénéfice de vos héritiers ou ayants droit. Après cette période, l'œuvre entre dans le domaine public. Les droits moraux, eux, sont protégés sans limitation de durée.
III. Le Rôle Clé du BURIDA : Votre Partenaire dans la Protection
Au-delà du droit inhérent à la création, le Bureau Ivoirien du Droit d'Auteur (BURIDA) est l'organisme central en Côte d'Ivoire pour la gestion collective et la défense de vos droits. Collaborer avec le BURIDA est une étape stratégique.
1. Déclarer votre œuvre auprès du BURIDA : Établir une preuve solide
Bien que le droit d'auteur existe dès la création, le dépôt de votre œuvre au BURIDA est crucial. Cette démarche administrative permet d'enregistrer officiellement votre œuvre et d'établir une preuve datée de votre paternité, essentielle en cas de litige (implicite au rôle du BURIDA défini à l'Article 7 du Décret relatif au attributions, à l’organisation et au fonctionnement du BURIDA, et preuve de création selon l'Article 148 de la Loi sur le Droit d'Auteur). Le processus implique généralement un formulaire, un exemplaire de l'œuvre, votre pièce d'identité, et une éventuelle preuve de publication.
2. Signer un contrat d’affiliation avec le BURIDA : Déléguer la gestion et la protection
L'affiliation vous permet de devenir membre associé du BURIDA (Article 3 du Décret BURIDA). En signant ce contrat, vous confiez au BURIDA le mandat de gérer activement vos droits patrimoniaux, notamment la perception et la répartition des droits liés aux différentes exploitations de votre œuvre (reproduction, diffusion, etc. - en lien avec l'Article 7 du Décret BURIDA). Cela vous assure une protection continue et une rémunération potentielle sans que vous ayez à surveiller constamment chaque utilisation de votre œuvre.
3. Appuyez-vous sur les représentants assermentés du BURIDA : Des yeux sur le terrain
Le BURIDA dispose de contrôleurs assermentés investis de pouvoirs spécifiques par la loi (Articles 45 et 46 du Décret BURIDA, Article 131 de la Loi sur le Droit d'Auteur). Leur mission est de surveiller le marché (points de vente physiques, etc.), de vérifier l'authenticité des exemplaires, et de constater les violations de vos droits. Ils peuvent intervenir sur signalement ou lors de contrôles réguliers, saisir les œuvres contrefaites et engager des procédures.
4. En cas d’infraction, sollicitez l’intervention du BURIDA : Agir en justice
Si vous découvrez que votre livre est piraté ou contrefait, adressez une plainte officielle au BURIDA. L'organisme a la capacité légale d'engager des actions en justice contre les contrefacteurs, d'obtenir la saisie des copies illégales et de vous représenter dans le cadre de la procédure (Article 7 du Décret BURIDA).
Par ailleurs, le BURIDA peut prendre des mesures disciplinaires (blâme, suspension, exclusion) contre ses propres associés impliqués dans des fraudes (Articles 50 à 52 du Décret BURIDA), renforçant l'intégrité de la gestion collective.
IV. La Protection au Quotidien : Mesures Préventives et Pratiques
Au-delà du cadre légal et de l'action du BURIDA, l'auteur et l'éditeur peuvent adopter des pratiques quotidiennes pour renforcer la protection de l'œuvre.
1. Mesures avant publication : Sécuriser l'œuvre dès sa conception
Contrat d'édition solide : Un contrat bien négocié avec un éditeur est une protection cruciale. Il doit clairement définir les droits cédés et les obligations de l'éditeur en matière d'exploitation et de respect de l'œuvre (Articles 56 et 66 de la Loi sur le Droit d'Auteur).
Mention de copyright et attribution : Inclure la mention © avec l'année et votre nom sur votre livre est une bonne pratique qui rappelle aux tiers l'existence de vos droits. L'éditeur est légalement tenu de faire figurer votre nom (Article 66 de la Loi sur le Droit d'Auteur).
ISBN : Obtenir un ISBN identifie de manière unique votre livre pour sa commercialisation. Bien que non mentionné dans les lois sur le droit d'auteur, c'est un standard de l'industrie.
2. Mesures spécifiques pour le numérique et les copies physiques : Adapter la protection
Mesures techniques : Pour les versions numériques, l'utilisation de mesures techniques (comme les DRM, bien que leur efficacité soit débattue) est légalement permise pour limiter les utilisations non autorisées (Article 108 de la Loi sur le Droit d'Auteur). Le contournement de ces mesures est une infraction (Article 109 et 140 de la Loi sur le Droit d'Auteur).
Authentification physique : Les exemplaires physiques mis en circulation en Côte d'Ivoire doivent être authentifiés par le BURIDA (Article 110 de la Loi sur le Droit d'Auteur), permettant de distinguer les copies légales.
3. L'importance capitale de la vigilance : Vos yeux sur le marché
Même avec toutes les protections légales et l'action du BURIDA, une surveillance active est indispensable. Les auteurs et éditeurs doivent être vigilants, inspectant les librairies, marchés, mais aussi l'internet (sites de téléchargement illégal, réseaux sociaux) à la recherche de copies non autorisées. Votre vigilance est souvent le premier moyen de détecter une infraction.
Voir Décret N° 2015-271 du 22 avril 2015 fixant les attributions, l'organisation et le fonctionnement du bureau ivoirien du droit d'auteur. En abrégé BURIDA ; Loi N° 2015-540 du 20 juillet 2015 relative à l'industrie du livre ; Loi N° 2016-555 du 26 juillet 2016 relative au droit d’auteur et aux droits voisins.
Ainsi prend fin cet article sur la protection juridique de son livre ou création littéraire en Côte d'Ivoire, d'Andréa TANON, juriste.
Elle est également contributrice et auteur sur ivoire-juriste.com.
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