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Cours de droit pénal général
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Cours de droit pénal général
Cours de droit pénal général

Cours de droit pénal général du professeur Alexandre A. AYIE, enseignant de Droit à l'université Félix Houphouet Boigny de Cocody/Abidjan. Ce cours n'est qu'une introduction générale de cette matière (Droit Pénal Général). L'intégralité de cette matière (Partie I : L'infraction et sa commission et Partie II : La responsabilité pénale ), vous sera proposée sous la forme d'un résumé détaillé.

(Dernière MàJ : 30/03/2020)

Cours de droit pénal général (Licence 2)

Introduction générale

Pour vivre en harmonie avec leurs semblables, les hommes ont besoin de se conformer à des règles de vie sociale qu’ils s’imposent, sous peine de sanctions de nature diverse.

Mais, l’ordre qu’il convient d’instaurer pour rendre possible la coexistence pacifique des intérêts individuels, bien souvent antagonistes, est assuré par le droit pénal, une discipline juridique dont l’importance aux côtés des autres, repose sur sa nécessité.

Section I - L’ordre social et le droit pénal : considérations générales

Le droit pénal apparaît comme le bras séculier des autres disciplines des sciences sociales, pour obtenir des individus le comportement requis par la vie en société.
En effet, on connaît l‘efficacité des sanctions morales, consistant à laisser les contrevenants à la règle de vie sociale est laissé au châtiment de sa conscience. 

Les complaintes des victimes dit-on sont le châtiment des oppresseurs. On connaît également l’impact des sanctions d’ordre religieux. Les flammes de l’enfer, selon la plupart des Livres Saints, sont les meilleurs moyens d’obtenir des hommes les comportements corrects permettant leur cohabitation pacifique.

Mais, les mystères de la foi conduisent généralement au doute et l’idée du paradis céleste s’évanouit devant les contingences immédiates de la vie terrestre. L’homme cherche alors à obtenir sur terre les promesses du paradis. Dans la recherche du mieux-être dans la société humaine, il est amené à conquérir des espaces et des biens, et par ceux-ci, des relations et une situation sociale privilégiées. Dans cette quête du paradis terrestre, l’homme devient alors un soldat, le soldat de sa vie personnelle. L’efficacité des sanctions morales et religieuses quant à la régulation des rapports sur terre s’en trouve alors atteinte dans l’esprit des hommes.

Ainsi, tout en reconnaissant la puissance de l’ordre religieux sur l’homme, les individus vont s’organiser en collectivités et s’imposer des règles dont la violation sera sanctionnée par des mesures sociales objectives. Ainsi, naquirent les notions d’État et de Droit.

Aujourd’hui, pour garantir l’ordre social les États, à des degrés divers et suivant la nature de leurs régimes politiques, choisissent, l’arme de la sanction juridique.
Les autorités étatiques instaureront le régime des nullités des actes et celui des réparations.

L’acte qui ne remplit pas les conditions posées par les pouvoirs publics sera déclaré nul. Il ne pourra pas produire des effets : « Quod nullum est, nullum effectum producit ».

L’acte ou le fait de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute de qui il est arrivé à le réparer. L’auteur d’un dommage à autrui engage, pour ainsi dire, sa responsabilité, parce qu’il a commis une faute. Les exigences de la vie en société obligent à condamner l’auteur de cette faute à réparer le dommage causé. C’est la mission de l’ensemble des règles juridiques, constituant le droit dit civil.
Mais, ces sanctions qui n’interviennent que pour réparer un tort causé à autrui dans des relations privées, sont insuffisantes à procurer, au sein du corps social, l’ordre qui oblige le plus fort à ne pas agresser le plus faible, le plus riche à ne pas écraser moralement le pauvre, à ne pas employer de façon malveillante son intelligence contre son prochain.

L’ordre qu’il est ainsi nécessaire d’établir au sein de la société est assuré par le Droit, spécialement par le droit dit pénal.

Dès qu’une infraction est commise, il convient de mettre en mouvement le processus légal devant aboutir au rétablissement de l’ordre social troublé. Ce processus, appelé procédure pénale, est la condition même de la vie en société.
La procédure pénale offre à la société les instruments de la poursuite et de la répression des infractions commises. La procédure pénale n’a donc pas moins d’importance que le Droit pénal proprement dit. Les lois répressives resteraient lettre morte, s’il n’existait pas toute une machinerie pour en assurer l’application.

Section II - La place du droit pénal dans l’ensemble du Droit

Le droit est traditionnellement divisé en deux grandes familles. D’une part, celle du droit public qui régit les rapports du citoyen avec l’État et dans laquelle figurent notamment le droit administratif, le droit constitutionnel, le droit international public, le droit des finances publiques et d’autre part, celle du droit privé qui régit les rapports entre les particuliers et qui comprend le droit civil avec ses nombreuses ramifications, le droit commercial, le droit du travail, le droit international privé, etc.

La question de savoir à quelle famille se rattache le droit pénal, naguère discutée en doctrine, est aujourd’hui tranchée. On s’accorde à dire que le droit criminel constitue une branche autonome qui ne peut être rattachée l’une ou l’autre de deux grandes familles du Droit, même s'il entretient des rapports étroits avec chacune d’elles.
D‘abord, on note des intrusions notables du droit pénal dans le droit public en général. Le droit pénal lui sert d’instrument d‘intimidation et de répression entre les mains des pouvoirs publics pour exprimer et faire respecter les évolutions de la politique de l’État, en matière sociale et économique.

Le respect des biens publics en régie ou dans le cadre des sociétés d’état ou d’économie mixte est assuré par le droit pénal qui incrimine et réprime la corruption de fonctionnaires, les détournements de deniers publics, les abus de biens des sociétés de droit public, etc.

Ensuite avec le droit privé, le droit pénal entretient des rapports avec le droit civil. Les sanctions pénales interviennent bien souvent pour renforcer les sanctions civiles jugées inefficaces ou insuffisantes. Par exemple, l’abandon de famille, le détournement d'objets donnés en gage, la bigamie, la pratique de la dot, etc., sont des comportements de droit civil sanctionnés par le droit pénal. La sanction pénale apparaît ici comme le bras séculier du droit civil pour obtenir le respect de ses prescriptions jugées fondamentales pour la vie en société.

L’interventionnisme puis le dirigisme économique ont, en dépit du fondement libéral de l'économie ivoirienne, provoqué une extension de la présence de la puissance publique en matière économique, en même temps que celle du droit pénal. Ce sont ces rapports qui ont donné naissance au concept de droit pénal économique.

Par ailleurs, il existe un droit pénal des sociétés principalement destiné à lutter contre les agissements frauduleux mettant en péril, au moyen des sociétés, l’épargne publique. Ces différents rapports que le droit pénal entretient avec le droit commercial classique et spécialement avec le droit des sociétés, conduisent à parler aujourd’hui du droit pénal des affaires.

Même le droit du travail n’est pas resté insensible aux sanctions du droit pénal. On a souvent recours à ses sanctions pour renforcer les obligations de l’employeur à l’égard des employés notamment en matière de sécurité du travail.
Il faut enfin noter l’existence d’un droit pénal rural constitué par l’ensemble des dispositions sanctionnant la chasse et la pêche interdites et surtout par celles des lois n° 88-650 du 7 juillet 1988 et n° 89-521 du 11 mai 1989 en matière de commercialisation des produits agricoles.

Le recours quasi systématique au droit pénal, s'explique par le fait que, face à la faiblesse des sanctions civiles, les techniques d‘intimidation et de répression du droit pénal, apparaissent bien souvent, comme les seuls moyens légaux pour obtenir des individus, les comportements souhaités par les pouvoirs publics, dans l’intérêt de la société.

Étudier le droit pénal, c’est étudier dans un premier temps les conditions générales d’existence des infractions, les personnes qui en sont les auteurs, les conditions de leur responsabilité pénale avant d’envisager dans un second temps les règles procédurales à suivre qui conduisent au prononcé des sanctions pénales, en vue du rétablissement de l’ordre social troublé par l’infraction.

Section III - Le Droit Pénal : sa nécessité et sa définition

Toute société humaine suppose une organisation autour des principes qui lui servent de fondement. Ainsi, le respect de la vie humaine, de l’intégrité physique, des biens d’autrui, la soumission à la probité, de la liberté « d’aller et de venir » et d’entreprendre licitement l’activité économique de son choix, sont les principes fondamentaux sur la base desquels la société ivoirienne est assise.

Ils sont exprimés sous forme de règles de conduite sociale au nombre desquelles, il y a celles qui sont considérées comme des valeurs sociales fondamentales, en ce que leurs violations répétées sont de nature à remettre en cause l'ordre social établi.
Les pouvoirs publics se chargent de veiller au respect de ces règles, en édictant des mesures d'intimidation et de répression. En effet, dans le temps et dans l'espace, on estime toujours, à tort ou à raison, que la peur du gendarme est le seul moyen de mettre rapidement fin à des attitudes qu’on juge incompatibles avec les valeurs fondamentales de la société.

Ainsi, pour éviter la vengeance individuelle ou collective, la sanction de l’auteur de la violation d'une norme sociale est organisée par les pouvoirs publics, au nom de l’État.
C’est l'ensemble des mesures édictées par les pouvoirs publics, pour assurer le respect des valeurs sociales fondamentales qui est appelé droit pénal ou droit criminel lequel pose et sanctionne les interdits sociaux institués par les pouvoirs publics et mis en catalogue dans une loi appelée Code Pénal.

L’action judiciaire que les pouvoirs publics engagent contre les contrevenants, appelés auteurs à ces interdits sociaux, appelés infractions pénales, est alors appelée action publique, par ce qu’il s’agit avant tout de préserver, par cette action judiciaire, l’intérêt public ou ordre public.

L’infraction pénale peut certes causer, dans de nombreux cas, un préjudice à la victime, mais le primat de l’action publique n’est pas la réparation du dommage causé à la victime. Cette réparation sera l’affaire de l’action civile qui peut se greffer sur l’action publique dans le procès pénal devant les tribunaux dits répressifs.

L’action publique est donc déclenchée chaque fois qu’il y a violation des dispositions de la loi pénale contenue dans le Code Pénal ou dans ses textes annexes. Telle est la fonction générale du droit criminel, l’expression « droit criminel » étant, dans le vocabulaire juridique, employée pour rendre compte de toutes les disciplines relevant de la détermination et de la répression des infractions pénales.

En effet, le droit criminel regroupe, outre la procédure pénale, le droit pénal qui comprend une partie générale, appelée droit pénal général et une partie spéciale, appelée droit pénal spécial à propos duquel est étudié le droit pénal des affaires.
Le droit criminel a pour objet de prévenir par la menace d’une sanction et au besoin de faire sanctionner par le juge, au moyen d’une peine ou d’une mesure de sûreté, les actions ou les omissions que le législateur estime être de nature à troubler l‘ordre social.

Pour parvenir à ces fins de prévention et de répression, le droit criminel se fixe comme but d'analyser, à travers le criminel, le crime sous toutes ses formes.
Ainsi, outre l’auteur, le droit pénal recherche, tous ceux qui l’assistent dans la réalisation de son entreprise criminelle, à savoir les coauteurs et les complices.
Pour une meilleure protection de la société, le droit pénal vise aussi bien l’infraction achevée que celle qui, commencée, n’atteint pas son stade final, mais qui a déjà porté atteinte à l’ordre ou la paix publique. La répression de la tentative et de l’infraction manquée obéit à cette préoccupation.

Dans la répression, on tiendra compte du niveau de dangerosité des individus. Des mesures comme la légitime défense, l’ordre de la loi, le commandement de l’autorité légitime et l’état de nécessité qui effacent le caractère délictueux de l’acte commis, le sursis à l’exécution de la peine prononcée et le régime de la récidive permettent de moduler la réaction sociale face à la délinquance.

Le phénomène de la criminalité est très complexe. Les raisons qui conduisent l’homme à se « rebeller » contre l’ordre social ne peuvent être parfaitement appréhendées que si l’approche du droit pénal s’éclaire avec celles des autres sciences sociales.

Section IV — Les fondements philosophiques du droit pénal

Pour quelles raisons faut-il élaborer un système pour punir les auteurs des comportements que les pouvoirs publics considèrent comme dangereux pour l’ordre public ou contraire aux exigences de la vie en société ?

Pourquoi donc le droit pénal ? C’est poser ainsi la question des fondements du droit pénal.

Cette question a été débattue par la doctrine animée par deux grandes tendances.
Certains penseurs condamnent la répression pénale, notamment les lourdes peines de privation de liberté. Ils réprouvent encore plus la peine privative de la vie du délinquant. Pour ces penseurs, la peine de mort est à proscrire absolument de l’éventail des peines possibles. Ce sont les « abolitionnistes ». Certains d’entre eux remettent en cause la nécessité de la répression, et prônent logiquement l’abolition, au moins partielle, du système pénal.

Pour d‘autres penseurs, la répression pénale est indispensable à la vie en société. Mais ces auteurs favorables au droit pénal ne donnent pas tous, le même fondement au droit de punir.

Plusieurs doctrines s’affrontent, ou se sont affrontées, sur ce point.
Les principales doctrines développées en Europe se retrouvent, de façon informelle, dans les courants de pensée ivoirienne sur le phénomène du crime. Ainsi, d’une manière générale, l’axe de réflexion s’articule autour de la pensée dualiste qui oppose le bien et le mal incarnés dans le bon et le mauvais.

On peut noter les courants classiques et surtout néoclassiques sur les fonctions du droit pénal. Dans ces courants de pensée, le droit de punir repose sur des considérations d’ordre moral et utilitaire.
Dans la doctrine classique, la société doit punir le délinquant parce que celui-ci est moralement répréhensible. Ce courant doctrinal faisait donc reposer la peine sur la morale.

Dans la doctrine néoclassique, on a glissé du fondement purement moral vers la notion de faute. Le délinquant doit être puni parce qu’il a commis un fait qui est considéré comme un manquement à un devoir vis-à-vis du groupe social. La répression pénale repose, dans cette vision, sur la notion de faute. Il faut infliger une peine au criminel parce qu’il a transgressé une prohibition sociale. Mais, on précise que la société ne peut punir « ni plus qu’il n’est juste, ni plus qu’il n’est utile ». 

C’est la conception qui donne à la peine une base exclusivement utilitaire. La société punit parce que la répression est utile à son existence. C’était la thèse soutenue par Beccaria, Bentham et dans un certain sens par Kant. Ce qui justifie la peine, disait Bentham, c'est son utilité, autrement dit, sa nécessité.

Puis naquit en Italie, le courant positiviste au milieu du XIXe siècle. Lombroso, Ferri et Garofalo étaient les initiateurs de ce courant de pensée sur le phénomène criminel.
En France, on peut citer au soutien du courant positiviste, Auguste Comte. Ces auteurs analysent le phénomène criminel sous un angle exclusivement scientifique, c’est-à-dire objectif, en excluant les considérations d’ordre moral. Le but du droit pénal n’est pas, pour les positivistes, de punir une faute ou un acte grave, mais de protéger la société contre un homme objectivement dangereux, comme un corps malade doit se protéger des microbes.

La doctrine positiviste qui ne voit dans la déviance qu’une maladie à combattre, a été violemment critiquée, surtout après la deuxième guerre mondiale, à cause des débordements auxquels elle a donné lieu, notamment, en Allemagne, sous le pouvoir hitlérien.

Les principales critiques ont débouché sur la doctrine dite de la Défense Sociale Nouvelle, d'inspiration humaniste.

Pour les tenants de ce courant doctrinal, Marc Ancel et Durkheim notamment, la réaction de la société face à la violation de la loi pénale doit tendre, non pas l’expiation, la rétribution ou l'élimination du délinquant, mais à sa resocialisation ou encore à sa rééducation en vue de sa réinsertion sociale. Pour eux si le droit pénal a pour objectif la défense de l’ordre social par la répression et l’intimidation, il doit en même temps mettre l’accent sur la prévention de la criminalité par l’éducation.

Le système pénal ivoirien présente des traces de tous ces courants de pensée sur le phénomène du crime. Il concilie répression et prévention pour la protection de l’ordre social et la sauvegarde des libertés individuelles. L’article 6 de notre Nouveau Code Pénal (2019) déclare en effet que l'infraction est sanctionnée par des peines et, éventuellement, par des mesures de sûreté. Et le texte indique clairement que la peine a pour but la répression de l’infraction commise et doit tendre à l’amendement de son auteur qu’elle sanctionne soit dans sa personne, soit dans ses biens, soit dans ses droits ou son honneur.

Ces objectifs de répression et de resocialisation inspirent notre droit pénal et notre procédure pénale qui prennent en compte dans la détermination de la responsabilité pénale, les conditions psychologiques dans lesquelles la transgression de la loi pénale, appelée infraction a été commise.

Première Partie : L'infraction et sa commission 

Deuxième Partie : La responsabilité pénale

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